Accueil Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Publié : Dernière mise à jour le 3 commentaires 9 minutes à lire
Hun Sen, président du Sénat et général cinq étoiles, s'adresse à des soldats lors de sa visite des forces armées stationnées le long de la frontière, dans la province de Preah Vihear, le jeudi 26 juin 2025

Le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge a franchi un seuil le 24 juillet, causant la mort de civils thaïlandais, dont des enfants.

Voir : Conflit Thaïlande–Cambodge : 11 morts, dont des enfants, après des attaques meurtrières

Si l’origine des violences reste floue, une question s’impose : à qui profite cette escalade meurtrière ?

Qui, de la Thaïlande ou du Cambodge, peut en tirer parti ?

Pour la Thaïlande, dont l’économie est vacillante, qui fait face à une baisse du nombre de touristes étrangers et à la menace de droits de douane élevés pour ces exportations aux États-Unis, l’escalade des tensions est catastrophique.

Pour le Cambodge qui est dans une situation encore plus compliquée, ce conflit pourrait aider le pouvoir en place.

Un conflit qui arrive à point pour la famille Hun

Conflit Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

L’ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen pose pour une photo lors de sa rencontre avec l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra à Bangkok en Thaïlande. Photo publiée le 21 février 2024 par Hun Sen sur son compte Facebook

Après des années de calme et alors que le gouvernement thaïlandais était dirigé par la Première ministre Paetongtarn Shinawatra, fille de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, grand ami de Hun Sen, un affrontement frontalier a eu lieu le 28 mai dernier.

Lors de cet affrontement entre les troupes thaïlandaises et cambodgiennes, un soldat cambodgien a été tué.

Voir : Tensions à la frontière Thaïlande-Cambodge : un militaire tué

Peu de temps après cet incident, de nombreux observateurs ont noté que le timing tombait à pic pour la famille de Hun Sen.

D’après eux, ce conflit pourrait créer une diversion alors que plusieurs organisations internationales accusent la puissante famille d’être liée aux centres d’appels d’escrocs qui pullulent depuis des années dans le pays.

Derrière la façade d’un conflit classique entre deux armées pourrait se jouer une guerre d’un tout autre genre : une guerre économique et informationnelle, dont l’enjeu est la survie d’un système tentaculaire d’escroqueries numériques.

Le 1ᵉʳ mai 2025, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), un bureau du Trésor américain, a proposé une règle visant à couper l’accès du groupe cambodgien Huione au système financier américain.

Hun To, cousin du Premier ministre cambodgien Hun Manet (le fils de Hun Sen), est directeur de la société Huione.

Cette demande a été faite en raison du rôle présumé de Huione dans le blanchiment de fonds provenant de cyberattaques et d’escroqueries en ligne.

Cette décision fait suite à de nombreux soupçons et enquêtes (menées en dehors du Cambodge) reliant cette entreprise à des réseaux de blanchiment d’argent liés à des groupes criminels transnationaux en Asie du Sud-Est.

Selon un rapport médiatique publié par le FinCEN, l’agence américaine a découvert que ce groupe commercial très en vue avait blanchi au moins plusieurs milliards de dollars américains provenant d’activités illicites entre août 2021 et janvier 2025.

Ce conglomérat exploiterait plusieurs places de marché et applications financières « facilitantes ».

Une plateforme aurait été liée à un nombre considérable de transactions illicites présumées.

Une recherche sur Google indique que cette connexion politique « met en évidence un lien étroit entre le groupe Huione et le gouvernement cambodgien » par l’intermédiaire des familles politiques au pouvoir.

La décision du FinCen fait suite à un article percutant publié dans The Diplomat, un média grand public basé actuellement aux États-Unis.

« Une société holding cambodgienne obscure, liée aux plus hautes sphères du parti-État, est devenue le plus grand marché criminel en ligne de l’histoire », affirmait l’article publié en janvier, mentionnant directement le nom du groupe commercial.

« Huione, portrait de la domination criminelle de la nouvelle génération, souligne à la fois la rentabilité relative de la cybercriminalité […] et, tout aussi important, l’ampleur considérable des opérations qui peuvent être menées lorsque des criminels d’élite bénéficient d’un soutien fiable de l’État ».

Toujours selon The Diplomat : « Huione n’est en aucun cas un cas isolé parmi les élites et les entreprises cambodgiennes impliquées dans des escroqueries et liées à l’État. »

Il énumérait ensuite une série de noms de personnalités politiques de haut rang, mais précisait que ces noms « ne sont que quelques-uns parmi les nombreux membres de l’élite ayant des liens avérés avec les complexes frauduleux du Cambodge ».

Voir : Conflit Thaïlande – Cambodge : une diversion pour les centres d’appels ?

Une tentative de diversion qui a échoué

Conflit Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Hun Sen, président du Sénat cambodgien et la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra.

Après l’affrontement du 28 mai, les tensions ont continué de monter entre les deux pays et la Thaïlande a réduit les heures d’ouvertures des frontières, ce qui a eu un impact très négatif sur les casinos cambodgiens.

En juin, la Première ministre Paetongtarn a eu une conversation privée avec Hun Sen, dans le but de calmer les tensions.

En ayant en tête l’amitié entre son père et Hun Sen, elle l’a appelé affectueusement « oncle » et a désigné un commandant militaire thaïlandais populaire comme un « adversaire commun ».

Hun Sen quant à lui, est resté froid et directif lors de cette conversation et a insisté pour que la Thaïlande rouvre ses frontières.

L’homme fort du Cambodge, qui avait enregistré l’appel, et qui n’avait visiblement aucune envie d’apaiser le conflit, s’est dit ensuite que la divulgation de l’enregistrement, qui montrait une Première ministre faible et conciliante face à lui, pourrait renforcer son autorité.

Voir : Une trahison de Hun Sen sème la zizanie en Thaïlande : la coalition éclate

Mais la divulgation n’a pas eu l’effet escompté, au contraire.

La diffusion de l’enregistrement a provoqué une onde de choc en Thaïlande qui a conduit ensuite à la suspension de la Première ministre.

Mais avant d’être suspendue, Paetongtarn a lancé le pays dans un combat contre les centres d’appels cambodgiens.

Centres d’appel : la Thaïlande met en cause l’élite cambodgienne

Conflit Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Après cette trahison, la Thaïlande a rompu le silence diplomatique et accusé le Cambodge d’abriter les plus grands réseaux de cybercriminalité de la région.

Pendant des années, et afin de garder de bonnes relations diplomatiques avec son voisin, la Thaïlande s’était abstenu de réagir, malgré le fait que de nombreux thaïlandais sont kidnappés et torturés dans ces centres, puis utilisés pour arnaquer d’autres thaïlandais.

Voir : Horreur des centres d’appels au Cambodge : kidnapping, torture, viol

Alors que la dette des ménages thaïlandais est très importante, ces centres d’appel cambodgiens ont endetté encore plus ou ruiné des familles thaïlandaises.

Voir : Comment des centres d’appels ruinent les personnes vulnérables en Thaïlande ?

Le jeudi 19 juin, le ministre de l’Économie numérique et de la Société, Prasert Jantararuangtong, a accusé le Cambodge d’abriter potentiellement les plus grands réseaux de cybercriminalité au monde, soutenus par l’élite au pouvoir.

Prasert a déclaré que le pays était surveillé en tant que plus grand centre mondial de cybercriminalité transnationale, avec des indications claires que ces activités illicites sont soutenues par l’appareil d’État et des personnalités influentes du pays.

Il a cité plusieurs rapports, dont celui de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui détaillent les activités des groupes de cybercriminalité, les escroqueries en ligne et les gangs de centres d’appels.

Ces derniers opéreraient ouvertement dans de nombreux endroits près de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, avec Poipet, en face du district d’Aranyaprathet dans la province de Sa Kaeo, comme base stratégique principale.

Voir aussi : La Thaïlande veut mobiliser le monde contre les cybercriminels cambodgiens

La Thaïlande lance la lutte contre les cybercriminels cambodgiens

Conflit Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Premier plan : femme dans un centre d’appel, arrière-plan : drapeaux cambodgien et thaïlandais.

Paetongtarn s’est ensuite engagée à démanteler les réseaux d’escroquerie basés au Cambodge

Elle a annoncé la coupure des approvisionnements (pétrole, internet, télécommunication, électricité…) et lancé un appel à la communauté internationale pour renforcer la lutte.

Elle a ajouté que la récente campagne du gouvernement avait fait perdre aux centres d’escroquerie cambodgiens environ 30 milliards de bahts de revenus.

La Première ministre a déclaré que son gouvernement maintiendrait la répression car « plus leurs pertes de revenus sont importantes, plus notre population est en sécurité ».

Citant le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui accuse le Cambodge d’être l’une des plus grandes bases de cybercriminalité au monde, elle a déclaré que les centres d’appels contribuaient à hauteur de 40 à 60 % du produit intérieur brut du Cambodge.

Un conflit déclenché pour sauver un empire criminel ?

Conflit Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?

Une roquette tirée depuis le Cambodge a frappé une supérette située dans une station-service PTT à Ban Phue à Si Sa Ket, provoquant un incendie qui a fait huit morts et 13 blessés le jeudi 24 juillet 2025. Le site se trouve à environ 20 km de la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Photo : commissariat de police de Kantharalak

Cette guerre lancée contre les centres d’appel et la fermeture totale des frontières entre les deux pays qui nuisent aux casinos cambodgiens utilisés pour blanchir l’argent des centres, fait que le pouvoir cambodgien se retrouve dans une situation extrêmement compliquée.

Les pertes économiques s’accumulent, estimées à plusieurs milliards de dollars, fragilisant encore davantage le pouvoir cambodgien.

La récente flambée de violence qui a entrainé la mort de civils thaïlandais pourrait viser à susciter une médiation internationale (ONU), dans l’espoir de forcer le rétablissement des relations diplomatiques et économiques entre les deux pays pour permettre la reprise des activités illicites.

Voir aussi :

Aggravation du conflit Thaïlande–Cambodge : 5 soldats thaïlandais blessés par une mine

Le Cambodge aurait posé des mines en Thaïlande : 3 soldats blessés

Conflit Thaïlande-Cambodge : la Chine propose son aide

Tensions Thaïlande-Cambodge : la France entre en scène

Un Thaïlandais kidnappé et torturé dans un centre d’appel au Cambodge est mort dans une prison

Le Cambodge aidera-t-il la Thaïlande dans la lutte contre les gangs de centres d’appels ?

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3 commentaires

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Jean Pierre 25 juillet 2025 - 18 h 50 min

Est-ce bien le rôle de l’ONU de permettre la reprise d’activités illicites ?

Réponse
Toutelathailande logo 114x114
Rédaction Thaïlande 26 juillet 2025 - 13 h 42 min

Non, bien sûr. Ce n’est évidemment pas le rôle de l’ONU.

L’article ne suggère pas que l’ONU cautionnerait des activités illégales, mais souligne que les élites cambodgiennes pourraient instrumentaliser la violence pour forcer une médiation internationale, dans l’espoir que le retour à des relations diplomatiques et économiques normales permette, en parallèle, la survie des réseaux illicites.

L’appel du Cambodge à l’ONU, qui se présente en victime attaquée par une Thaïlande agressive qui tente de l’envahir, semble confirmer cela : Accusations croisées entre le Cambodge et la Thaïlande à l’ONU

Réponse
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spartacus974 26 juillet 2025 - 15 h 38 min

Enfin des infos pertinentes sur ce conflit qui va bien au-delà d’un simple différent sur les frontières qui n’est qu’un rideau de fumée pour dissimuler un règlement de compte entre le clan Thaksin et celui de Hua Sen.

La Thaïlande n’accepte pas que le Cambodge ait réussi à faire tomber la Première ministre Paetongtarn en révélant au grand jour la complicité passé entre ces 2 clans aux mœurs très particulières.

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