L’armée thaïlandaise a présenté ses affrontements avec le Cambodge comme étant aussi une lutte contre les réseaux de cybercriminels.
Qualifiant ces frappes de « guerre contre l’armée des escrocs », une division militaire impliquée dans le conflit frontalier a déclaré cette semaine être en première ligne face à la menace mondiale que représentent les syndicats du crime transnational.
Ces réseaux opèrent notamment depuis les pays voisins de la Thaïlande, en particulier le Cambodge, le Laos et la Birmanie.
Rappel : le Cambodge au cœur des accusations de cybercriminalité mondiale

Drapeau cambodgien et centre d’appel. Illustration : The Nation Thailand
Un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a accusé le Cambodge d’être l’une des plus grandes bases de cybercriminalité au monde.
Voir : La Thaïlande veut mobiliser le monde contre les cybercriminels cambodgiens
D’après le rapport, les centres d’appels frauduleux contribueraient à hauteur de 40 à 60 % du produit intérieur brut du Cambodge et seraient soutenus par l’élite au pouvoir.
Voir : Centres d’appels frauduleux : la Thaïlande met en cause l’élite cambodgienne
Le 1er mai 2025, le FinCEN, un bureau du Trésor américain, a proposé de couper l’accès du groupe cambodgien Huione au système financier américain pour son rôle présumé dans le blanchiment de fonds liés aux cyberattaques et aux escroqueries en ligne.
Le directeur de Huione est Hun To, le cousin de l’actuel Premier ministre cambodgien Hun Manet et le neveu de son père, l’ancien Premier ministre Hun Sen.
Voir : Centres d’appel au Cambodge : l’étau se resserre sur la famille de Hun Sen
Des observateurs et analystes régionaux ont noté que le récent conflit, qui a commencé le 28 mai, tombait à pic pour la famille Hun afin de détourner l’attention portée sur ses centres d’appels.
Voir : Le Cambodge provoquerait la Thaïlande pour protéger ses centres d’escrocs
Un conflit sur deux crises avec le Cambodge

Un pont et une position de mortier cambodgienne ont été touchés par des tirs d’artillerie thaïlandaise près de Ban Nong Chan, dans la province de Sa Kaeo, le vendredi 12 décembre 2025. Photo : Forces militaires de l’armée thaïlandaise
Le nouveau discours de la Thaïlande rassemble deux crises latentes en Asie du Sud-Est :
- La guerre frontalière entre voisins qui a fait des dizaines de morts et déplacé un demi-million de personnes
- Un vaste écosystème d’escroqueries qui a permis de détourner des milliards de dollars, principalement dans ce qu’on appelle les « camps d’escroquerie »
Ce cadre montre également que Bangkok cherche à s’aligner à la fois sur Washington et Pékin, qui ont chacun de leur côté poussé les pays d’Asie du Sud-Est à sévir contre les opérations d’escroquerie.
Dans deux déclarations publiées cette semaine, le deuxième commandement militaire régional thaïlandais, chargé des opérations dans quatre des sept provinces frontalières, a déclaré :
« Certaines des cibles frappées par l’armée thaïlandaise au Cambodge en décembre étaient des complexes utilisés par les troupes cambodgiennes pour mener leurs activités frauduleuses. »
Auparavant, elle se concentrait uniquement sur des cibles militaires.
La Thaïlande a « coupé les lignes de ravitaillement logistiques et opérationnelles » et « démantelé les structures de soutien criminelles transnationales », a déclaré le commandement dans un communiqué publié le 17 décembre.
« Le véritable adversaire, ce sont les réseaux criminels transnationaux et les structures de pouvoir qui soutiennent des intérêts illégaux par la violence. »
Dans une déclaration séparée publiée le 18 décembre, le commandement a affirmé que les forces thaïlandaises avaient neutralisé au moins six installations liées à des activités d’escroquerie.
Il a précisé que ces sites, qualifiés de casinos, comprenaient deux établissements déjà sanctionnés par le gouvernement américain.
Le président américain Donald Trump s’est intéressé au conflit frontalier entre les voisins d’Asie du Sud-Est, menaçant les deux pays de restrictions commerciales en juillet pour mettre fin aux combats, puis supervisant un accord de paix en octobre.
M. Trump a déclaré que les deux dirigeants s’étaient engagés à mettre fin aux combats après s’être entretenu avec eux la semaine dernière.
Mais les déclarations thaïlandaises de cette semaine laissent entendre que l’administration américaine a donné son accord tacite à Bangkok pour poursuivre ses frappes.
« Cela explique pourquoi de nombreux pays, bien qu’ils aient appelé à un « cessez-le-feu », n’ont pris aucune mesure concrète contre la Thaïlande, y compris les États-Unis, qui semblaient faire preuve d’une prudence polie en tant que partisans de la paix », a déclaré l’unité de l’armée.
La Maison Blanche n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires en dehors des heures normales de bureau.
La Thaïlande a déployé des avions de combat F-16 et Gripen pour bombarder des bâtiments et des ponts utilisés par l’armée cambodgienne depuis que le conflit frontalier a repris le 7 décembre.
La Thaïlande a déclaré que ces cibles comprenaient des casinos « abandonnés » qui abritaient des centres de commandement de drones, des dépôts d’armes ou des troupes et des tireurs d’élite.
Le 18 décembre, le ministère cambodgien de la Défense a déclaré que la Thaïlande avait utilisé des F-16 pour larquer deux bombes à Poipet, une ville casino connue pour abriter des opérations de cybercriminalité.
Il n’a pas précisé si des casinos avaient été touchés.
Ces casinos sont aussi accusés de servir à blanchir l’argent des centres d’appels frauduleux cambodgiens.
L’armée de l’air thaïlandaise a déclaré qu’elle visait des dépôts de roquettes.
Répondant à une question visant à savoir si la Thaïlande visait spécifiquement les casinos cambodgiens, le porte-parole adjoint de l’armée royale thaïlandaise, Richa Suksuwanan, a déclaré lors d’une conférence de presse le 18 décembre :
« Les attaques ne visaient pas uniquement les casinos et les escrocs.
Toutes les cibles identifiées étaient clairement utilisées comme bases militaires, comprenant souvent des centres de commandement de drones et des dépôts d’armes. »
Depuis le début de l’année 2025, la Thaïlande a intensifié sa répression contre les réseaux d’escroquerie opérant depuis ses voisins d’Asie du Sud-Est, ce que le président chinois Xi Jinping a publiquement soutenu.
L’affaire Hun Sen–Paetongtarn, tournant politique et diplomatique

Hun Sen, président du Sénat cambodgien et la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra.
Le royaume a d’abord concentré sa lutte contre les réseaux d’escroquerie installés en Birmanie, évitant dans un premier temps de cibler le Cambodge afin de préserver les relations diplomatiques.
Toutefois, après la divulgation par Hun Sen d’un échange privé avec l’ancienne Première ministre Paetongtarn Shinawatra en juin 2025, Bangkok a élargi sa campagne aux centres d’appels opérant depuis le Cambodge.
Paetongtarn cherchait à désamorcer les tensions par un appel direct à l’ancien dirigeant cambodgien, qu’elle a appelé « oncle », évoquant l’armée thaïlandaise comme un adversaire commun dans un contexte marqué par l’histoire conflictuelle de sa famille avec les militaires.
L’enregistrement et la publication de cette conversation privée par Hun Sen, qui ne semblait visiblement pas vouloir mettre fin aux tensions, ont provoqué une crise politique majeure en Thaïlande, conduisant à la destitution de la Première ministre.
Trafic humain et violences dans les centres d’escroquerie

Photo tirée d’une vidéo où l’on voit un homme se jeter d’une tour abritant un centre d’appel au Cambodge. Le suicide est parfois le dernier recours pour les prisonniers de ces centres qui veulent échapper aux tortures.
Les opérations de cyberescroquerie, qui représentent des milliards de dollars, se développent dans la région depuis des années et sont souvent menées par des ressortissants chinois qui ont fui en 2020 à la suite d’une répression nationale.
Selon un rapport des Nations unies, les criminels ont fait passer clandestinement des centaines de milliers de victimes provenant de 56 pays d’origine pour les faire travailler dans les complexes d’escroquerie.
Certains sont volontaires, d’autres ont été kidnappés et sont torturés, voire tués quand ils n’atteignent pas les objectifs financiers élevés exigés.
Voir : Cambodge : mort atroce d’un Thaïlandais torturé dans un centre d’appel
En novembre, la Thaïlande a remis aux autorités cambodgiennes un citoyen cambodgien naturalisé d’origine chinoise, soupçonné d’être un baron du casino et recherché par Pékin.
En février, les autorités thaïlandaises ont rapatrié plusieurs ressortissants chinois qui avaient travaillé dans des opérations frauduleuses en Birmanie.
Pressions régionales et mesures économiques contre l’économie illicite

Un chasseur F-16 thaïlandais a bombardé et détruit un casino dans le quartier de Chong An Ma après que l’armée thaïlandaise a découvert que l’établissement servait de base à l’armée cambodgienne et de cachette pour des armes lourdes. Photo : Forces armées thaïlandaises
Les mesures prises par l’armée thaïlandaise à l’encontre des casinos cambodgiens font suite à une série de mesures prises plus tôt en 2025 pour lutter contre l’économie illicite.
La Thaïlande a également suspendu ses exportations de marchandises vers le Cambodge, notamment de carburant, qui, selon elle, seraient utilisés pour faciliter des activités criminelles transnationales, et a interdit aux Thaïlandais de se rendre à Poipet pour y travailler.
Ces mesures font suite à des efforts similaires lorsque la Thaïlande a coupé l’électricité, l’accès à Internet et l’approvisionnement en carburant dans certaines régions de Birmanie soupçonnées d’abriter des opérations de cyberescroquerie.
La Thaïlande et le Cambodge ont également démantelé conjointement un centre d’escroquerie à Poipet, où étaient retenus des centaines de travailleurs étrangers victimes de traite.
En revanche, d’autres opérations n’ont abouti qu’à la découverte de centres d’appels vides, laissant supposer que les responsables avaient été alertés en amont.
L’armée thaïlandaise a déclaré que, lors de la visite du vice-ministre chinois de la Sécurité publique, Liu Zhongyi, à Bangkok le 17 décembre, les autorités chinoises avaient exprimé leurs préoccupations.
Selon Bangkok, Pékin estime que le gouvernement cambodgien entretient des « liens et des intérêts communs » avec certaines opérations frauduleuses.
Le gouvernement de Hun Manet à Phnom Penh a nié l’existence de telles relations.
Par ailleurs, le 18 décembre, la Chine a envoyé un envoyé au Cambodge et en Thaïlande pour mener une médiation.
- L’armée thaïlandaise présente désormais le conflit avec le Cambodge également comme une lutte contre les réseaux de cybercriminalité.
- Bangkok affirme avoir ciblé des installations liées aux escroqueries, dont des casinos accusés de blanchiment de fonds.
- Selon l’ONU et plusieurs rapports, le Cambodge serait devenu un hub régional majeur des centres d’appels frauduleux.
- La crise politique déclenchée par la divulgation d’un échange privé entre Hun Sen et Paetongtarn Shinawatra a marqué un tournant diplomatique.
- La répression thaïlandaise contre les escroqueries bénéficierait du soutien de Washington et de Pékin, malgré les appels au cessez-le-feu.
Voir aussi :
Voyager en Thaïlande malgré le conflit avec le Cambodge : ce qu’il faut savoir
Thaïlande–Cambodge : les combats continuent, pas de cessez-le-feu
Thaïlande–Cambodge : le cessez-le-feu s’effondre, reprise des combats
Coup dur pour les cybercriminels au Cambodge et en Birmanie
Horreur des centres d’appels au Cambodge : kidnapping, torture, viol
Source : The Straits Times
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5 commentaires
Au-delà de cette offensive militaire visant à la fois des objectifs militaires et l’organisation des centres d’appels frauduleux, je suis curieux de voir le pourcentage de votes que va récolter le Pheu Thai lors des prochaines élections en février prochain.
Car loin d’avoir renoncé à son influence sur la vie politique thaïlandaise et malgré la condamnation pénale qu’il purge actuellement, ainsi que les procès qui l’attendent dans un avenir proche, Taksin Shinawatra, à court de descendance proche, a déjà installé son neveu Yodchanan Wongsawat, 42 ans, à la tête des candidats au poste de Premier ministre, à condition, bien sûr, que le Pheu Thai remporte les élections législatives du 8 février 2026.
Jamais entendu parler de Yodchanan Wongsawat dans le paysage politique thailandais ?
Il est simplement le fils de l’ancien PM Somchai Wongsawat, lui-même marié avec Saowapha Shinawatra, qui n’est autre qu’une des sœurs de Thaksin…
Inépuisable, la famille Shinawatra !!!
Enterrez-en un, il en ressuscite 3…
Quand je vous disais que la campagne électorale allait être explosive ! et elle n’a pas encore commencé officiellement, le meilleur est probablement à venir !
Ça me fait penser au théâtre de Guignol du jardin du Luxembourg à Paris : le gendarme a beau rouer de coups à longueur d’années, Guignol avec sa grosse matraque, Guignol se relève toujours sans une égratignure !
Il faudrait s’attaquer aux centres de cyberescroquerie avec des EMP.
Ça serait très efficace et ça ne tuerai pas de civils…
Ils n’ont pas ça la Thaïlande ?
JEANMOULIN, bonjour…
Je ne sais pas si l’Armée thaïlandaise ou le Génie civil thaïlandais possède cette technologie EMP, mais même si il était envisageable d’utiliser cette technologie de destruction électro-magnétique, il serait, à mon avis (je ne suis pas un expert en la matière) nécessaire d’en contrôler l’utilisation pour la limiter aux infrastructures électriques et électroniques des centres d’appels et de la logistique informatique liées à ces centres, sans endommager les réseaux civils d’électricité et de gestion de l’alimentation en énergie informatique de la population cambodgienne, pour ne cibler que les responsables et ne pas faire de victimes innocentes et d’infrastructures civiles, privées d’électricité, d’informatique, de transports, etc, comme les hôpitaux par exemple, les services d’urgences, et les entreprises de services à la population.
Et cela, je ne suis pas certain que la Thaïlande puisse agir de façon efficace depuis son territoire national sans dommages collatéraux inévitables, même sur le territoire de la Thaïlande, comme il est possible de le faire de manière rapprochée et très ciblée contre des drones envahisseurs.
Il faudrait avoir l’avis d’experts et d’ingénieurs en informatique et électromagnétisme, mais je suppose que si c’était possible d’agir de manière ciblée à longue distance contre ces centres d’appels, cela demanderait des capacités de contrôle de technologies à haute définition, telles que celles capables, depuis la Terre, d’atteindre, de perturber et de potentiellement détruire des satellites espions à usage militaire, et cela, je ne crois pas que la Thaïlande en est capable, ni d’en assumer le coût et la maintenance, ni d’en maitriser l’utilisation…
Ce sont les populations civiles qui paient un lourd tribut à ce conflit qui dure, et qui permet au gouvernement de Bangkok de masquer son incapacité à diriger le pays, qui aspire à plus de démocratie, en attendant les élections de février…
Le cout humain de cette guerre est terrible, surtout pour le Cambodge, c’est triste pour toutes ces victimes innocentes tuées pour protéger les centres d’appels de Hun Sen.
Ils cachent le nombre de soldats cambodgiens morts, comme lors des derniers affrontements pour ne pas perdre la face, mais les chiffres doivent être très élevés.
L’objectif d’Hun Sen devait être de continuer à provoquer des attaques, poser des mines et ensuite appeler à la paix pour garder le conflit en avant des affaires avec les centres d’appels, et recommencer ensuite.
Mais la Thaïlande, fatiguée de ces attaques sournoises et de ces mensonges, en a décidé autrement.
Cela rappelle ce qui a conduit à la guerre avec le Vietnam.
C’est les Vietcongs vietnamiens qui ont mené les combats pour faire tomber le régime de Lon Nol mis en place par les Américains après le massacre des civils cambodgiens lors de la terrible « opération Menu » américaine.
Ensuite les Khmers rouges ont pris le pouvoir et pour tout remerciement, ils ont tué les conseillers militaires vietnamiens qui étaient restés avec eux et se sont alliés aux USA.
Ils ont ensuite lancé de nombreuses attaques contre des villes vietnamiennes.
Conscients qu’ils ne faisaient pas le poids face à l’armée vietnamienne, ils arrivaient dans des villes, massacraient tous les civils qu’ils pouvaient et repartaient ensuite se cacher au Cambodge avant d’avoir à affronter l’armée vietnamienne.
C’est ce qui a conduit à l’invasion du Cambodge par le Vietnam.
Hun Sen, ancien Khmer rouge, utilise les mêmes techniques sournoises à plus petite échelle, heureusement, et prend aujourd’hui la claque qu’il mérite et qui malheureusement tue beaucoup d’innocents.
Si seulement les Cambodgiens pouvaient comprendre que l’ennemi ce n’est pas la Thaïlande mais Hun Sen et sa famille !