Guerre entre policiers corrompus et honnêtes en Thaïlande ?

Depuis plusieurs mois, des accusations vagues planent au-dessus de la tête d’un célèbre policier reconnu pour son intégrité en Thaïlande.

Les attaques contre le chef adjoint de la police nationale, le général Surachate Hakparn, un policier très médiatique surnommé « big joke » (Grosse blague), ont commencé juste avant la nomination du nouveau chef de la police thaïlandaise.

Surachate, connu pour avoir le courage de s’attaquer aux policiers corrompus quels que soient leurs grades, avait toutes les chances d’être nommé nouveau chef de la police.

Mais une perquisition très médiatisée, menée quelques jours avant à son domicile à Bangkok le 25 septembre 2023, l’a écarté du poste.

Voir : Attaque contre le « monsieur propre » de la police en Thaïlande

Après l’opération, Big Joke a qualifié de malhonnête la perquisition et l’a attribuée à des manœuvres politiques au sein du Bureau de la police royale thaïlandaise.

Suite à cela, le mercredi 27 septembre, le Premier ministre thaïlandais, Srettha Thavisin, a proposé le général Torsak Sukwimon comme nouveau chef de la police et il a été désigné pour le post.

Voir : La Thaïlande nomme son nouveau chef de la police

Mais cette nomination est étrange, car Torasak doit prendre sa retraite en septembre 2024, donc il n’occupera le poste que pour quelques mois.

Depuis lors, des accusations vagues à propos d’une affaire de réseau de jeu en ligne illégal, continuent d’être proférées contre Big Joke qui clame son innocence.

Une suite de l’affaire du Kamman Nok ?

Praween Chankhlai, le Kamnan, à gauche, est interrogé par la police de la division de la répression du crime à Bangkok. Photo : police thaïlandaise

Selon certaines spéculations, le général Torsak est accusé de s’en prendre au général Surachate et à son équipe parce qu’ils poursuivaient des policiers corrompus dans l’affaire du chef mafieux surnommé Kamnan Nok.

Voir : Un chef mafieux fait tuer un agent incorruptible devant 28 policiers en Thaïlande

Lors de cette affaire, deux policiers ont perdu la vie alors qu’ils travaillaient sous la direction du général Torsak.

Le premier policier a été exécuté par l’homme de main du Kamman Nok devant une vingtaine de policiers qui n’ont pas réagi.

Après le meurtre, des policiers ont escorté le Kamman Nok hors de la maison tandis que d’autres se sont attachés à effacer les preuves.

Surachate et son équipe ont pris l’affaire en main alors que tout le pays était sous le choc face à ces nouvelles révélations sur l’état de la corruption dans la police thaïlandaise.

L’un des policiers hauts gradés présents au repas, le colonel Vachira Yaothaisong, qui avait forcé le policier intègre qui s’est fait tuer, le major de police Sivakorn Saibua, à y participer pour tenter de trouver un arrangement avec le chef mafieux, s’est ensuite suicidé.

Mais, des membres de l’équipe du général Surachate, qui ont tenté de faire pression sur lui, car il était prêt à craquer, ont laissé entendre qu’il avait peut-être été suicidé parce qu’il constituait un danger pour des personnes haut placées impliquées.

Et le colonel Vachira Yaothaisong était un ami du général Torsak.

Ensuite, l’affaire a été transférée au Bureau central d’enquête (CIB), qui était dirigé par Torsak avant qu’il ne soit désigné chef de la police.

Le chef mafieux a été libéré de prison le 1ᵉʳ décembre 2023 et sera jugé en avril 2024.

Voir : Le chef mafieux accusé d’avoir fait tuer un policier en Thaïlande, libéré sous caution

Big Joke est-il vraiment impliqué dans un réseau de jeux d’argent en ligne ?

Le chef adjoint de la police nationale, Surachate Hakparn (Big Joke). Photo : AFP

Le mardi 19 mars, une équipe d’avocats représentant le chef adjoint de la police nationale, Surachate Hakparn ont tenu une conference de presse pour s’exprimer à propos de cette affaire.

D’après eux, près de 30 policiers pourraient être impliqués dans une affaire de corruption liée à un réseau de jeux d’argent en ligne exploité illégalement.

Les avocats ont déclaré que les 30 officiers étaient soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin du réseau BNK Master.

Il s’agit du même réseau de jeu que celui dont le général Surachate a été accusé d’avoir touché des pots-de-vin, ont-ils précisé.

L’avocat de Surachate, Natthawit Netijarurote, a déclaré que l’équipe avait vérifié les preuves disponibles et 34 comptes bancaires liés au réseau, mais n’avait trouvé aucun lien avec Surachate.

« Un mandat n’a été demandé que pour arrêter un certain suspect », a déclaré M. Natthiwat, en faisant référence à Surachate.

Mardi dernier, le tribunal pénal a approuvé les mandats d’arrêt de trois officiers et d’un civil soupçonnés de blanchiment d’argent dans le cadre de BNKMaster, qui a été démantelé l’année dernière.

Il s’agit du colonel Kittichai Sangkhathaworn, du sergent Natthawut Wadwaew, du sergent Natthanan Chuchak et de Napansakorn Haekerd.

Selon certains rapports, le tribunal aurait également délivré une citation à comparaître à un officier de haut rang, nommé plus tard général Surachate, en raison de ces accusations.

Les avocats ont cependant démenti cette information.

« La police souhaitait que le tribunal émette un mandat d’arrêt à son encontre, mais elle ne disposait pas de preuves suffisantes », a déclaré M. Natthawit.

« Il y a eu des tentatives de discréditer le général Surachate parce qu’il était maintenant le candidat le plus ancien au poste de chef de la police nationale », a-t-il ajouté.

Le chef actuel, Torsak, doit prendre sa retraite à la fin du mois de septembre.

Torsak Sukvimol, avait déclaré précédemment que Surachate avait été cité à comparaître au poste de police de Tao Poon dans le cadre de l’enquête sur le réseau de jeu BNK Master.

Un avis écrit a été affiché au domicile de Surachate dimanche dernier.

« Si un deuxième avis est envoyé et que Surachate ne se présente pas, il fera l’objet d’un mandat d’arrêt et sera suspendu de ses fonctions », a déclaré Torsak.

Surachate avait précédemment fait valoir que la Commission nationale anti-corruption (NACC) avait repris l’enquête sur l’affaire du réseau de jeu en ligne « Minnie », dans laquelle il était suspecté.

Mais Torsak a déclaré que des officiers de police avaient convoqué Surachate au sujet de l’affaire BNK Master, qui est distincte.

Surachate est soupçonné d’avoir blanchi de l’argent dans les deux affaires, a ajouté Torsak.

Toutes les affaires concernant Surachate remises au NACC

Le chef de la police nationale, Torsak Sukvimol et le chef adjoint de la police nationale, Surachate Hakparn lors de la conférence de presse au siège de la police mercredi. Photo : Police royale thailandaise

Suite à la conférence de presse de mardi, le général Torasak a déclaré lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi 20 mars que toutes les affaires concernant Surachate seront remise au NACC.

Torsak a déclaré mercredi qu’il avait remis toutes les affaires judiciaires concernant son adjoint Surachate Hakparn à la Commission nationale de lutte contre la corruption, dans l’espoir de mettre fin à l’impression d’un conflit au sein du Bureau de la police royale.

Il a annoncé sa décision aux journalistes au siège de la police au côté de Surachate.

« Tous les cas (contre Surachate) seront transmis au Comité consultatif, qui est une organisation neutre, afin que la justice puisse être garantie…

Il s’agit d’empêcher toute image de conflit.

Nous n’avons pas de conflit », a déclaré Torsak.

Il a ajouté qu’il avait informé le Premier Ministre Srettha Thavisin de sa décision.

Le Premier ministre supervise la police.

Il a nié les suggestions qu’il voulait empêcher Surachate de lui succéder en tant que commissaire général de la Police royale.

Torsak a déclaré qu’il n’avait pas de conflit avec Surachate, qui est le candidat principal pour le poste lorsque qu’il prendra sa retraite le 30 septembre.

« En tant que chef de la police nationale, je dis toujours que nous devons rester au-dessus des conflits.

N’interprétez pas cela comme signifiant qu’il y a un conflit au sein du Bureau royal de la police thaïlandaise », a déclaré Torsak.

Surachate a déclaré que Torsak l’a emmené rencontrer le Premier ministre pour discuter de la question, et lui et le chef de la police partageaient le même point de vue, qu’ils devraient se concentrer sur le travail dans l’intérêt supérieur du public.

« Aujourd’hui, le chef de la police nationale veut mettre fin à tout conflit au sein de l’organisation.

Ainsi, tout le monde, du premier chef adjoint de la police à tous les sous-officiers du Bureau de la police royale thaïlandaise, n’a qu’un seul commandant, qui est le chef de la police nationale », a déclaré Surachate.

Vous remarquerez la différence de propos, Torsak affirme qu’il n’y a pas de conflit et Surachate explique que le chef veut mettre fin à tout conflit.

« Comme le Comité consultatif prend en charge la question, toute citation à comparaître, s’il y en a, relèvera de la responsabilité du Comité consultatif…

Nous ne parlerons plus de l’ancienne affaire.

Nous ne devons donc travailler que dans l’intérêt du public », a déclaré Surachate.

Ce retournement de situation laisse à penser que l’armée d’avocats engagée par Surachate a su convaincre le public.

Le chef de la police n’a donc plus les moyens de faire pression sur Surachate.

Les problèmes de corruptions sans fin dans la police thaïlandaise

Police royale thaïlandaise. Photo : Bangkokbiznews

Les affaires de policiers corrompus font régulièrement la une des médias thaïlandais.

Le scandale le plus récent concerne des policiers qui ont torturé un homme innocent pour le forcer à avouer le meurtre de son épouse afin de protéger les enfants de policier impliqués dans le meurtre.

Voir : Nouveau terrible scandale impliquant des policiers en Thaïlande

Le journal Bangkok Post a publié de nombreux articles sur l’affaire qui implique Surachate et sur les commentaires, on découvre que de nombreuses personnes le soutiennent et accusent les policiers corrompus d’être derrière ces accusations.

De nombreux thaïlandais et étrangers vivant en Thaïlande, n’ont pas confiance en la police et souhaitent vivement qu’un homme comme Surachate, en prenne la tête pour nettoyer l’institution.

Nous faisons partie du lot.

D’autres commentaires laissent entendre que tous les policiers thaïlandais sont corrompus, et que donc, Surachate l’est aussi.

Maintenant, l’affaire est entre les mains de la NACC, et nous saurons surement prochainement s’il y avait de réelles preuves contre Surachate ou si, comme de nombreuses personnes le pensent, c’était une opération de policier corrompu pour l’empêcher de devenir chef de la police.

Voir aussi :

Thaïlande : un policier fou poignarde 2 passantes tuant l’une d’elles

Thaïlande : 5 policiers de l’immigration condamnés pour avoir enlevé des étrangers

Enquête sur les tortures commises par des policiers en Thaïlande

Restaurer la confiance dans la police en Thaïlande

Source : Bangkok Post