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Inondations : la Thaïlande face à un risque d’effondrement économique

2 commentaires 8 minutes à lire
Inondations dans la province de Songkhla en novembre 2025

Sans investissements urgents pour faire face aux inondations, la Thaïlande pourrait subir des dégâts majeurs et une crise économique durable.

La Thaïlande fait face à des pluies extrêmes et à une montée rapide des eaux, révélant de graves failles dans son système de gestion de l’eau.

Chawalit Chantararat, ingénieur en ressources hydriques et membre du conseil d’administration de TEAM Consulting Engineering and Management PCL (TEAM Group), est l’un des principaux experts thaïlandais en gestion de l’eau.

Il a mis en garde contre les lacunes critiques du système de réponse aux inondations du pays.

Il a souligné l’absence d’un plan directeur national juridiquement contraignant en matière d’eau et l’obsolescence des infrastructures, qui ne sont plus en mesure de résister aux conditions météorologiques extrêmes actuelles.

Il a exhorté le gouvernement à investir de manière urgente et proactive dans des projets stratégiques à grande échelle, comme les « réservoirs de rétention d’eau en mer » de type “monkey-cheek”.

Sans ces mesures, les pertes économiques futures pourraient atteindre des dizaines de milliards de bahts.

La « nouvelle ère » des catastrophes en Thaïlande dépasse les limites

Chawalit a noté que la Thaïlande est désormais confrontée à un changement climatique permanent, avec un tournant clair à partir de 2021.

L’ancienne hypothèse selon laquelle les catastrophes sont passagères n’est plus valable, a-t-il déclaré.

Passage à des précipitations de forte intensité

Ces dernières années ont été marquées par un passage important à des précipitations de forte intensité, communément appelées « averses torrentielles », qui ont exercé une pression sans précédent sur les systèmes de drainage urbains.

Averses extrêmes localisées

Au lieu de se répartir sur de vastes zones, les tempêtes déversent désormais des volumes d’eau considérables sur des zones petites et concentrées.

Par exemple, Phuket a enregistré 350 mm de précipitations en seulement huit heures, tandis que le district de San Pa Tong, à Chiang Mai, a enregistré 300 mm en peu de temps.

Ces volumes dépassent de loin la capacité nominale de la plupart des systèmes de drainage urbains.

Durée plus longue des catastrophes

Au-delà de leur intensité, la durée des événements extrêmes a également augmenté de manière significative.

Les récentes inondations dans le sud du pays, à Phatthalung, Songkhla, Yala et Pattani, ont été accompagnées de fortes précipitations continues pendant 5 à 7 jours, contrairement aux tempêtes passées qui s’atténuaient généralement après environ trois jours.

L’accumulation de précipitations sur des périodes plus longues a entraîné des dommages catastrophiques difficiles à quantifier.

Étude de cas : une crise complexe et grave liée aux inondations dans le sud

Les récentes inondations dans le sud de la Thaïlande ont été causées par la convergence de trois facteurs climatiques majeurs, qui ont intensifié la mousson bien au-delà des niveaux normaux :

Masse d’air froid en provenance de Chine

Une vague d’air froid s’est déplacée vers le sud, forçant le creux de la mousson à se déplacer vers le bas et à s’installer sur le sud du pays.

Influence d’un système dépressionnaire proche

Une cellule dépressionnaire se formant près de Kota Bharu, en Malaisie, a renforcé les vents de mousson et les a empêchés de quitter la région.

Phénomène La Niña

La Niña a amplifié la mousson du nord-est, attirant de grandes quantités d’humidité depuis le golfe de Thaïlande. Cela a entraîné des précipitations extrêmes de 200 à 400 mm par jour dans plusieurs provinces.

Évaluation de l’état de préparation de la Thaïlande : des faiblesses persistantes mises en évidence

Malgré les efforts déployés pour améliorer la gestion de l’eau, la Thaïlande reste confrontée à des faiblesses systémiques qui limitent sa capacité à faire face à des catastrophes de plus en plus graves.

Problème politique : un plan directeur de l’eau sans autorité légale

L’Office national des ressources en eau (ONWR) a été créé pour intégrer les agences liées à l’eau, ce qui constitue un pas dans la bonne direction.

Cependant, son instrument clé, le « plan directeur national pour l’eau », n’a pas de force exécutoire et n’a pas la même autorité que les lois sur le zonage urbain.

Impact sur le développement urbain

Dans la pratique, les permis de construire et l’urbanisme continuent de suivre le zonage urbain plutôt que le zonage hydraulique.

En conséquence :

  • Les zones d’écoulement des eaux et les zones de rétention naturelles (monkey cheeks) sont souvent ignorées.
  • Les aménagements empiètent souvent sur les voies d’évacuation des crues désignées, y compris les zones initialement délimitées sous la direction de Sa Majesté le roi Rama IX.
  • L’expansion urbaine entrave de plus en plus le drainage naturel, réduisant la capacité du paysage à absorber ou à rediriger les eaux de crue.

Infrastructures obsolètes et « goulets d’étranglement » chroniques

Les infrastructures de drainage existantes en Thaïlande ont été conçues pour les conditions météorologiques du passé et ne peuvent plus faire face aux précipitations intenses d’aujourd’hui.

Les ponceaux sous-dimensionnés sous les routes et les voies ferrées sont devenus des goulets d’étranglement majeurs, empêchant l’eau de s’écouler suffisamment rapidement et provoquant de graves inondations.

Besoin urgent d’augmenter la capacité

Des études ont identifié 52 endroits le long de la ligne ferroviaire sud où les structures de passage de l’eau doivent être agrandies.

À plusieurs endroits, le nombre de ponceaux doit être augmenté de quatre à six, voire huit, en fonction des conditions hydrologiques locales.

Les principaux canaux de drainage nécessitent également une intervention immédiate.

À Hat Yai, le canal Khlong R.1, l’une des principales artères de drainage de la ville, doit être dragué de toute urgence dans sa partie aval afin de rétablir la capacité d’écoulement vers le lac Songkhla.

Propositions stratégiques : des investissements proactifs pour une survie à long terme

Pour faire face aux menaces à long terme, en particulier l’élévation du niveau de la mer, il faudra prendre des décisions stratégiques audacieuses et adopter une vision à 25 ans.

S’adapter à une élévation prévue de 75 cm du niveau de la mer

Ce qui ne fonctionne plus : élever des barrières le long de 3 000 km de côtes

L’ancienne idée de relever continuellement les digues le long du fleuve Chao Phraya et du littoral, sur plus de 3 000 kilomètres, a été rejetée.

Des études montrent que cela prendrait plus de 22 ans et causerait de graves dommages écologiques aux écosystèmes côtiers.

Une nouvelle proposition stratégique : « des bassins de rétention en forme de joues de singe à l’embouchure des fleuves »

Le groupe TEAM propose de construire de grands bassins de rétention d’eau au large, près de l’embouchure des fleuves.

Ceux-ci auraient deux fonctions :

  • servir de réservoirs géants en forme de joues de singe pour stocker temporairement les eaux de crue, et
  • servir de barrières contre les marées hautes pour protéger les zones intérieures de la montée des eaux.

Ce concept est considéré comme ayant un impact environnemental nettement moindre et offre une solution beaucoup plus efficace que de lutter contre la montée des eaux uniquement sur terre.

Conséquences de l’inaction : l’intrusion d’eau salée menace l’économie agricole de la Thaïlande

Sans une intervention décisive et opportune, l’intrusion d’eau salée pénétrera plus profondément à l’intérieur des terres, causant de graves dommages aux zones agricoles de grande valeur et aux principaux corridors économiques.

Plusieurs bassins fluviaux devraient subir des impacts croissants :

  • Fleuve Chao Phraya : la frontière entre Ayutthaya et Ang Thong est très menacée, et de vastes zones agricoles et économiques risquent de subir des pertes importantes.
  • Fleuve Tha Chin (Suphan Buri) : l’intrusion d’eau salée pourrait détruire des cultures clés telles que le pomelo, la noix de coco et d’autres produits de grande valeur.
  • Fleuve Bang Pakong (de Bang Khla à Prachin Buri) : menaces pour les écosystèmes d’eau douce et les vastes zones agricoles.
  • Fleuve Mae Klong (Ban Pong, Ratchaburi) – des impacts sont attendus même avec le soutien du barrage de Tha Muang.

Recommandations politiques pour une durabilité à long terme

La Thaïlande est confrontée à des défis qui ne peuvent plus être gérés avec des mesures réactives traditionnelles.

Il est essentiel de passer à des actions urgentes et proactives.

Justification économique

Investir dans la préparation offre une valeur économique bien supérieure à celle de l’absorption de pertes répétées.

Les dizaines de milliards de bahts de dommages causés par une seule inondation à Hat Yai auraient pu financer des améliorations à long terme des infrastructures capables de prévenir de futures crises.

Leçons tirées des Pays-Bas

Même l’un des pays les plus expérimentés au monde en matière de gestion de l’eau a eu besoin de 22 ans pour achever ses systèmes de protection contre les inondations à grande échelle.

La Thaïlande doit donc prendre dès maintenant des décisions stratégiques et commencer immédiatement les travaux de construction afin de relever les défis attendus au cours des 25 prochaines années.

Cinq mesures politiques que la Thaïlande doit prendre dès maintenant

1. Élever le « plan directeur national de l’eau » au rang de loi applicable

Le plan directeur doit se voir attribuer une autorité juridique équivalente à celle des lois sur le zonage urbain afin de mettre un terme aux aménagements qui entravent l’écoulement naturel des eaux.

2. Application stricte des lois existantes en matière de zonage

Les autorités locales doivent veiller à ce que les zones de rétention naturelles et les voies d’évacuation des crues désignées soient protégées contre toute emprise.

3. Allocation urgente de fonds pour moderniser les infrastructures

Mettre en place un plan national systématique pour le dragage, l’extension et l’entretien des structures de drainage défaillantes dans tout le pays.

4. S’engager dans des projets stratégiques à grande échelle

La Thaïlande doit sélectionner et lancer sans délai des solutions majeures à long terme, telles que des bassins de rétention d’eau offshore de type « monkey-cheek ».

5. Concevoir les infrastructures futures pour faire face à des précipitations extrêmes

Toutes les nouvelles constructions doivent être conçues pour des capacités plus importantes, afin de pouvoir supporter des volumes de précipitations au moins deux fois supérieurs à l’ancienne norme de conception, reflétant les tempêtes actuelles de forte intensité et de longue durée.


Source : The Nation Thailand

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2 commentaires

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HANSSON 1 décembre 2025 - 9 h 52 min

Chawalit Chantararat, (ingénieur en ressources hydriques et membre du conseil d’administration de TEAM Consulting Engineering and Management) a mis le doigt sur tous les aspects du problème de (non-)gestion de l’eau à long terme depuis les années 2000 par les différents gouvernements en place depuis lors.

Et on reparle de l’exemple des Pays-Bas, dont le plan Delta a mis 22 ans à être fonctionnel à 100% avec des normes qui aujourd’hui encore ont été calculées pour résister au double des risques évalués les plus pessimistes à long terme.

Chawalit met en exergue la passivité des divers responsables gouvernementaux, décideurs politiques qui n’ont pas accordé la priorité à un problème pourtant récurrent qui, d’année en année, se rappelait tragiquement aux bons souvenirs de ces mêmes responsables qui se sont contentés d’appliquer des remèdes post-catastrophes, des infusions de plantes, emplâtres et pommades, là où il fallait des traitements de haute technologie.

Rien n’a donc été fait en priorité absolue pour envisager, comme le rappelle l’article, des solutions à long terme qui auraient dû être une priorité politique, économique et humaine déjà depuis 20…, 30 ans !!!

On connaît à présent les conséquences de cet absentéisme responsable…

Et étant donné aujourd’hui le désert de décisions pour un plan global efficace pour sauver la Thaïlande et sa population et se donner les moyens de contrôler et de limiter les dégâts de ces catastrophes naturelles prévisibles d’année en année, il ne faut s’attendre à aucun changement dans les 20 ans qui viennent si rien ne se décide maintenant au niveau national.

Le seul changement envisageable, ce sera malheureusement dans le sens d’une aggravation des phénomènes météorologiques et de ses conséquences…

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Oliv 1 décembre 2025 - 11 h 21 min

Excellent article.

Est-ce que les gouvernements vont prendre les problèmes à bras le corps ?

J’en doute. C’est comme en France, la prévention coûte cher, mais beaucoup moins cher que de réparer les dégâts évitables.

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