Accusée d’avoir facilité des enlèvements de touristes vers la Birmanie, l’immigration thaïlandaise dément et dénonce des faits déformés.
Le Bureau de l’immigration a démenti les allégations formulées dans un rapport d’enquête de Reuters établissant un lien entre des fonctionnaires thaïlandais et des enlèvements de personnes emmenées de force pour travailler dans des centres d’appels frauduleux en Birmanie.
Voir : Kidnappings de touristes en Thaïlande : des agents de l’immigration complices ?
Des témoignages accablants de victimes et de diplomates
Policer de l’immigration thaïlandaise devant une prison. Photo : Romeo Gacad/AFP
Le reportage graphique de type documentaire, intitulé « Piégés dans l’arnaque », s’appuie sur des entretiens avec neuf personnes originaires d’Afrique et d’Asie qui ont été victimes de traite humaine et emmenées de force dans des centres d’appels frauduleux en Birmanie entre 2022 et 2025.
L’article est appuyé par les témoignages de plusieurs diplomates étrangers qui affirment que ces enlèvements ne seraient pas possibles sans la complicité de certains fonctionnaires thaïlandais, en particulier au sein de l’immigration.
Six des victimes ont déclaré avoir été escortées à travers les deux aéroports internationaux de Bangkok par des agents présumés de l’immigration avant d’être emmenées en voiture en Birmanie.
Leur destination était le célèbre complexe KK Park à Myawaddy en Birmanie.
Le rapport cite Lindsay Kiptiness, ambassadeur du Kenya en Thaïlande, qui a aidé à sauver des centaines de ses concitoyens des centres d’escroquerie.
Il a déclaré à Reuters qu’ils décrivaient tous avoir été escortés à travers les aéroports thaïlandais par des agents.
Une expérience similaire est relatée dans le récit d’« Oly », un consultant informatique est-africain de 39 ans qui a déclaré être entré en Thaïlande depuis l’Éthiopie en novembre dernier.
Il a affirmé que les agents d’immigration l’avaient remis à des personnes prétendument membres du personnel de l’hôtel à l’aéroport.
Mais la voiture qui, selon lui, devait l’emmener à son hôtel à Bangkok l’a conduit à la frontière, où il a finalement été réduit en esclavage au KK Park.
« Faits déformés » d’après l’immigration thaïlandaise
Illustrations présentant les enlèvements de touristes en Thaïlande par les centres d’appels en Birmanie. Dessins : Reuters
Dans un communiqué publié le samedi 20 septembre, la police thaïlandaise de l’immigration a déclaré que Reuters avait « déformé les faits et fait de fausses allégations ».
Le général de division Choengron Rimpadee, commandant de la division 2 de l’immigration, a déclaré avoir ordonné un examen de toutes les entrées en Thaïlande en novembre 2024 avec des noms ressemblant à « Oly ».
Sur les 62 correspondances trouvées, seules deux étaient des ressortissants africains : un Ougandais entré par Phuket et une Kényane venue de Dubaï.
Aucun ressortissant éthiopien n’a été enregistré, a-t-il déclaré.
Des contrôles renforcés aux frontières
Illustration montrant un centre d’appel en Birmanie situé proche de la frontière avec la Thaïlande. Dessin : Reuters
Il a ajouté que la police avait mis en place des contrôles plus stricts en janvier, les ressortissants susceptibles d’être victimes de traite étant contrôlés par la vérification des visas, des billets de retour, des plans de voyage et des hébergements.
Il a déclaré avoir refusé l’entrée à 16 538 personnes depuis lors.
Il a également remis en question la plausibilité des affirmations du rapport, soulignant que le personnel hôtelier ne peut pas accéder aux zones réservées aux bagages sans autorisation spéciale.
Même les agents d’immigration de haut rang ont besoin de laissez-passer valides, a-t-il déclaré.
Mais c’est exactement la question que s’est posé la victime dans le reportage :
« Quelqu’un portant un T-shirt avec le nom de l’hôtel d’Oly est apparu au carrousel à bagages. »
Oly : “Je me demandais pourquoi et comment un employé d’hôtel peut entrer dans l’aéroport où les gens ne peuvent pas y avoir accès.”
Plutôt que de nier les faits, la police devrait travailler avec les informations détaillées fournies par les diplomates, qu’ils assurent n’avoir pas reçu, et retrouver la vidéo, pour confirmer ou non ce témoignage.
Polémique autour du reportage de Reuters
Illustrations montrant un camp fortifié qui héberge un centre d’appel et les dortoirs des personnes kidnappées. Images Reuters
Le général de division Choengron a également exprimé ses inquiétudes quant aux intentions de Reuters, comparant le rapport à un récent documentaire de la BBC, Dark Side of Paradise, qui dépeignait la Thaïlande comme une plaque tournante de l’activité criminelle.
Voir : Colère mondiale : la BBC critiquée pour son reportage choc sur la Thaïlande
Mais cette comparaison reste discutable, d’un côté, il y a des journalistes de la BBC visiblement à la recherche d’un scoop et d’audience, de l’autre, il y a un reportage plus sérieux, basé sur les témoignages de victimes et de diplomates.
M. Kiptiness, l’ambassadeur du Kenya, a déclaré avoir fourni aux autorités thaïlandaises des informations détaillées sur les enlèvements, mais n’avoir reçu aucune suite.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré n’avoir reçu aucun rapport concernant ces allégations, mais être prêt à enquêter sur toute « information ou preuve crédible ».
Appel à une coopération plus active
Illustration montrant que les victimes des centres d’appel sont accostées dès leur arrivée aux aéroports de Thaïlande. Dessin : Reuters
Les services de l’immigration de Thaïlande, plutôt que de simplement démentir les faits, dénoncer l’article, ou dire qu’ils n’ont pas reçu les rapports envoyés par des diplomates étrangers sur ces enlèvements, devraient :
- Travailler très sérieusement avec les diplomates et utiliser les informations détallées pour retrouver les vidéos de l’arrivée des victimes
- Identifier tous les complices des centres d’appels
- Et faire le ménage dans les aéroports !
Voir aussi :
La Thaïlande a paralysé les centres d’appels criminels en Birmanie
Thaïlande : 7 000 victimes libérées de l’enfer des centres d’appel birmans
Thaïlande : des peines durcies contre les complices des centres d’appel frauduleux
Thaïlande – Cambodge : les civils sacrifiés pour protéger les centres d’appels ?
Horreur des centres d’appels au Cambodge : kidnapping, torture, viol
Source : Bangkok Post
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2 commentaires
Explications et justifications pour le moins « bancales » des autorités de l’immigration de l’aéroport de Suvarnabhumi, qui essaient de récupérer une image de la police aéroportuaire exempte de corruption et de complicité…
En ce qui concerne le cas de « Oly », il s’agit là probablement d’un surnom et non d’un prénom ou nom officiel…
Le général de division Choengron Rimpadee, commandant de la division 2 de l’immigration aurait dû demander à ses informaticiens une recherche sur le nom et le prénom officiel de « Oly » et non pas sur ce qui est probablement un surnom !!!
Et comment ne pas tenir compte de la véracité des propos de l’Ambassadeur du Kenya qui affirme avoir envoyé un rapport détaillé à la police de l’aéroport sans jamais n’avoir reçu de réponse sauf celle niant être entré en possession de ce document concernant les témoignages d’une centaine de victimes !!!
Que l’Ambassadeur aille lui-même porter ce rapport en mains propres, accompagné de témoins de l’Ambassade !
Mauvais arguments et dénégations cousues de fil blanc…
De toute manière, quoiqu’il en soit le doute et l’opprobre s’est installé concernant l’intégrité professionnelle de la division de l’immigration de l’aéroport avec des suspicions qui vont inévitablement se propager par les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille…
L' »enquête » de la police est donc, je suppose « clôturée » devant les arguments du Général qui conclu à l’impossibilité pour qui que ce soit n’ayant pas l’autorisation et le badge adéquat de se rendre dans l’espace « immigration, contrôle des passeports et réception des bagages » de l’aéroport.
On peut donc en conclure que les « agents en uniforme » qui ont kidnappé ces touristes étrangers et les ont dirigés vers les centres d’appels illégaux avaient les autorisations et le badge officiel d’accès autour du cou !!!
Comme toujours, dans ce genre d’affaire, un haut responsable de l’aéroport, que les autres employés respectent, a dû recevoir de grosses enveloppes et donner des ordres et des primes pour faciliter le kidnapping des victimes et personne n’ose parler.
Mais s’ils veulent que les touristes chinois reviennent un jour, ils seront bien obligés de donner un coup de pied dans cette fourmilière !
Malheureusement, Thaksin a fait virer les policiers anticorruptions, il ne doit rester que les très corrompus dans les hauts postes, il faut espérer que comme il n’est plus au pouvoir, quelqu’un fasse le ménage là aussi !