La folle hausse du baht menace l’économie thaïlandaise

Le baht thaïlandais est en hausse, une évolution qui inquiète les analystes car elle ne reflète pas la réalité économique et menace les exportations.

La monnaie thaïlandaise poursuit sa tendance à la hausse depuis le début du mois dans un contexte de volatilité des marchés financiers mondiaux et de hausse des cours mondiaux de l’or.

Ce vendredi 23 mai, à 10 h 00 (heure de Thaïlande) 1 euro vaut 37,09 bahts thaïlandais et 1 dollar Us vaut 32,73 bahts.

Voir : Cours du Baht thaïlandais THB

Ce renforcement soudain suscite des inquiétudes pour l’économie fragile de la Thaïlande, car il ne reflète pas une reprise robuste de l’activité intérieure.

Au contraire, les analystes préviennent que l’appréciation du baht pourrait exercer une pression supplémentaire sur l’économie, en particulier sur le secteur des exportations, qui reste un moteur essentiel de la croissance.

Kanchana Chokpaisansilp, responsable au centre de recherche de la banque Kasikorn, a souligné que le niveau actuel du baht représente une appréciation significative par rapport au début du mois, principalement due à deux facteurs clés.

Le premier est la hausse continue des cours mondiaux de l’or, qui incite les investisseurs à se tourner vers l’or comme valeur refuge dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes, en particulier le conflit non résolu entre la Russie et l’Ukraine.

Le deuxième facteur est l’affaiblissement du dollar américain, sous la pression de l’incertitude économique intérieure, des inquiétudes concernant la stabilité budgétaire et de la récente révision à la baisse de la perspective de crédit des États-Unis par Moody’s.

Elle a expliqué que malgré l’absence de percée dans les négociations entre la Russie et l’Ukraine, les marchés mondiaux restent nerveux, ce qui contribue à des mouvements de capitaux favorables au baht thaïlandais.

Parallèlement, le manque de clarté de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine a encore érodé la confiance des investisseurs dans le dollar.

La hausse du baht jugée « inhabituelle »

Sanguan Jungsakul, directeur principal de la recherche sur les marchés d’investissement à la division des marchés financiers de la Krungthai Bank, a déclaré :

« L’appréciation actuelle du baht thaïlandais est inhabituellement rapide et principalement due à des flux spéculatifs à court terme vers l’or et à la faiblesse du dollar américain, plutôt qu’à une amélioration des fondamentaux économiques de la Thaïlande. »

Selon lui, le principal facteur à l’origine de cette appréciation est la flambée du prix mondial de l’or, qui a grimpé de plus de 27 % depuis le début de l’année.

Cela a déclenché une augmentation de la demande de bahts sur les marchés mondiaux, les investisseurs convertissant leurs devises pour acheter de l’or, ce qui a entraîné une hausse de la valeur du baht à l’échelle mondiale.

« Le principal facteur à l’origine de la vigueur du baht est clairement l’or », a déclaré M. Sanguan.

« Compte tenu de la forte corrélation (environ 0,5) entre l’or et le baht, chaque hausse de 10 bahts de l’or tend à renforcer le baht d’environ 0,5 baht.

Cela transforme effectivement le baht en une monnaie-matière première. »

Il a ajouté :

« Dans un contexte de tensions mondiales accrues, notamment au Moyen-Orient et dans la bande de Gaza, ainsi que d’autres incertitudes géopolitiques, les investisseurs ont continué à rechercher des valeurs refuges, ce qui a soutenu la hausse de l’or et, par extension, du baht. »

Le baht s’apprécie parallèlement au won et au yen

M. Sanguan s’est toutefois dit préoccupé par le fait que l’appréciation du baht suit la tendance observée pour le won sud-coréen, le yen japonais et le dollar taïwanais, qui se sont tous considérablement renforcés dans un contexte de faiblesse du dollar.

Mais contrairement à ces économies, la Thaïlande ne détient pas d’actifs importants libellés en dollars, qui entraîneraient généralement un rapatriement de capitaux lorsque le dollar baisse.

« La Thaïlande ne dispose pas d’autant d’actifs en dollars que ces pays, notre monnaie ne devrait donc pas s’apprécier aussi rapidement ni aussi fortement », a-t-il déclaré.

« Depuis la fin de l’année dernière, les devises les plus performantes sont le yen japonais (+9,14 %), le dollar taïwanais (+8,79 %) et le won sud-coréen (+6,18 %).

Le baht thaïlandais, quant à lui, se classe en sixième position avec +4,20 %.

C’est inhabituellement élevé pour la Thaïlande et cela suggère que quelque chose ne va pas, même si l’évolution du baht peut sembler moyenne au niveau régional. »

Les réserves de change devraient atteindre un nouveau record

Malgré ces inquiétudes, le renforcement rapide du baht thaïlandais et la forte volatilité de la devise se reflètent dans l’augmentation des réserves de change, qui approchent leur précédent record historique de 259 milliards de dollars américains.

Le dernier chiffre s’élève à 257 milliards de dollars américains, et M. Sanguan estime que les réserves pourraient bientôt atteindre un nouveau record.

Cela indique que la Banque de Thaïlande (BOT) pourrait déjà être intervenue sur le marché des changes pour gérer la volatilité, a-t-il déclaré.

À l’avenir, M. Sanguan s’attend à ce que le baht s’échange dans une fourchette de 32,50 à 33,00 bahts pour un dollar américain, à condition qu’il n’y ait pas de nouvelle flambée des prix de l’or ni de poursuite de l’affaiblissement du dollar américain.

Si ces pressions extérieures s’atténuent, le baht pourrait se déprécier légèrement à court terme.

La vigueur du baht suit celle des devises régionales

Wachirawat Banchuen, stratège financier senior à la Siam Commercial Bank, a déclaré :

« La récente appréciation du baht thaïlandais, qui a atteint son plus haut niveau depuis des semaines, suit la tendance des principales devises asiatiques, influencée principalement par des facteurs externes. »

Il s’agit notamment de la hausse des prix du pétrole brut et de l’or, alimentée par les tensions au Moyen-Orient, et des spéculations selon lesquelles le gouvernement japonais pourrait entamer des discussions avec les États-Unis au sujet de l’affaiblissement du dollar américain.

Malgré cela, les flux de fonds vers la Thaïlande n’ont pas montré de tendance claire à la hausse, ce qui suggère que la vigueur du baht ne repose pas sur les fondamentaux économiques nationaux.

Elle ne reflète pas une forte reprise ou un boom des exportations, a-t-il ajouté.

Pour l’avenir, il s’attend à ce que le baht évolue dans une fourchette de 32,50 à 33,00 bahts pour un dollar américain, mais il pourrait s’apprécier jusqu’à 32,30 bahts si une avancée significative était réalisée dans les négociations entre les États-Unis et le Japon.

« À moins de nouveaux développements positifs, nous pensons que le baht ne s’appréciera pas beaucoup plus.

La probabilité qu’il passe sous la barre des 32 bahts reste limitée, à moins que des progrès au niveau gouvernemental ne renforcent la confiance des investisseurs étrangers », a déclaré M. Wachirawat.

Afflux de fonds vers les obligations thaïlandaises

Piriyapon Kongvanich, responsable de l’analyse fondamentale chez Bualuang Securities, a noté que les investisseurs étrangers ont continué à investir dans les obligations thaïlandaises depuis le début de l’année, pour un montant total d’environ 59 milliards de bahts.

Cette tendance devrait se poursuivre en raison des inquiétudes liées à la politique fiscale américaine, qui pourrait entraîner une hausse de l’inflation et limiter la capacité de la Réserve fédérale américaine à réduire ses taux d’intérêt.

Il a également souligné une nouvelle proposition fiscale américaine visant à prolonger les réductions d’impôts précédentes.

Le marché s’inquiète des risques budgétaires que cela représente, en particulier après la révision à la baisse de la perspective de crédit des États-Unis par Moody’s.

La commission mixte du Congrès américain sur la fiscalité estime que cette proposition coûterait 3 720 milliards de dollars sur dix ans.

M. Piriyapon a fait remarquer que certains secteurs en Thaïlande bénéficient d’un baht fort, en particulier ceux qui ont une dette élevée en devises étrangères et des coûts d’exploitation basés à l’étranger, tels que les entreprises énergétiques et pétrochimiques.

Le secteur privé met en garde contre la volatilité rapide du baht

Kriengkrai Thiennukul, président de la Fédération des industries thaïlandaises (FTI), a déclaré au journal Krungthep Turakij que les fluctuations rapides du baht ont un impact tangible sur les exportateurs.

Cette forte volatilité, similaire à celle observée pendant la présidence de Donald Trump, a rendu les exportateurs de plus en plus prudents, d’autant plus que le renforcement du baht réduit les recettes provenant des ventes à l’étranger.

Pour atténuer les risques, les exportateurs se couvrent à l’avance contre le risque de change.

Cependant, cela affecte leur capacité à proposer des prix compétitifs pour les expéditions à venir.

S’ils augmentent leurs prix pour couvrir les pertes de change, ils risquent de perdre des commandes au profit de concurrents dont les coûts sont moins élevés, ce qui obligerait de nombreux exportateurs thaïlandais à absorber les pertes, une situation intenable à long terme.

La vigueur du baht ne correspond pas à la situation économique

Wisit Limluecha, vice-président de la Chambre de commerce thaïlandaise, a souligné que l’appréciation du baht n’était pas en phase avec la situation économique réelle.

Normalement, un baht fort serait le signe d’une économie robuste et d’une croissance du tourisme.

Cependant, cette appréciation résulte de la volatilité monétaire mondiale, principalement due à l’évolution constante de la politique américaine, et non de la vigueur de l’économie nationale.

Pour faire face à ces défis, Wisit a proposé trois mesures :

1. Utilisation du baht dans le commerce transfrontalier, en particulier avec les pays voisins, qui a déjà été mise en œuvre dans une certaine mesure et peut contribuer à atténuer l’exposition au risque de change pour les acheteurs et les vendeurs.
2. Adoption de plusieurs devises étrangères, telles que le yen et le yuan, pour le commerce, facilitée par les accords bilatéraux existants entre la Banque de Thaïlande (BOT) et les banques centrales régionales.
3. Couverture du risque de change, même si cela entraîne des coûts supplémentaires pour les entreprises. Les marges bénéficiaires, déjà faibles, doivent alors être partagées avec les banques pour bénéficier de cette protection, ce qui réduit la compétitivité.

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Source : The Nation Thailand