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La junte du Myanmar est au bord du gouffre, la Thaïlande revoit sa position

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La junte du Myanmar est au bord du gouffre, la Thaïlande revoit sa position

Les pays voisins du Myanmar tels que la Thaïlande, ont commencé à repenser leur position sur le conflit alors que la junte est très mal en point.

Depuis le mois d’octobre 2023, une alliance de groupes rebelles issues de différentes minorités ethniques, a lancé une série d’offensive militaire pour renverser les dirigeants du Myanmar.

Les rebelles vont de victoire en victoire et ont désormais le contrôle de presque toutes les principales frontières terrestres du pays.

La semaine dernière, Myawaddy, un important comptoir commercial du Myanmar a été pris par les forces rebelles à la junte au pouvoir, offrant un aperçu des dynamiques qui se jouent dans le pays d’Asie du Sud-Est, alors que son armée a du mal à se remettre des pertes subies sur les champs de bataille.

Voir : L’armée du Myanmar en déroute demande l’aide de la Thaïlande

À la périphérie de la ville frontalière, site des combats les plus intenses, des maisons abandonnées côtoient des bâtiments marqués d’impacts de balles, des stations-service endommagées par des explosions et des structures aplaties par des frappes aériennes, ont constaté les journalistes de Reuters lors d’une visite effectuée cette semaine.

Les rebelles qui ont combattu les troupes de la junte à Myawaddy ont décrit une armée démoralisée qui n’était pas disposée à tenir son terrain.

« Nous avons réussi à nous emparer de trois bases et à contrôler la zone en très peu de temps », a déclaré Saw Kaw, commandant d’une unité rebelle impliquée dans la bataille de Myawaddy.

« Ensuite, ils se sont enfuis. »

Les gardes des milices ethniques jusqu’à récemment loyales à l’administration militaire parcouraient les rues de la ville, normalement un conduit pour plus d’un milliard de dollars US de commerce frontalier annuel avec la Thaïlande voisine.

Ces combattants se sont tenus à l’écart lorsque les forces dirigées par l’Union nationale karen (KNU) ont assiégé la ville au début du mois d’avril.

Reuters a eu un accès rare au territoire tenu par les rebelles le lundi 15 avril et a interviewé sept responsables de la résistance, ainsi que trois responsables thaïlandais ayant une connaissance détaillée du conflit et quatre analystes de la sécurité.

Ils ont donné un aperçu de la diplomatie délicate entre des groupes armés rivaux de longue date qui cherchent à tenir les principaux centres de population et à maintenir la junte, qu’ils veulent renverser, dans l’impasse.

La chute de Myawaddy signifie que les deux postes frontières terrestres les plus importants du Myanmar sont aux mains de la résistance, après que les rebelles ont revendiqué l’année dernière le contrôle de Muse, près de la frontière chinoise.

Les succès des rebelles ont désormais coupé la junte à court d’argent de presque toutes les principales frontières terrestres du pays, alors que l’économie est en chute libre et que la pauvreté a doublé depuis 2017, selon les données de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Le groupe de réflexion Institute for Strategy and Policy-Myanmar (ISP), basé en Thaïlande, a déclaré dans une estimation après la chute de Myawaddy que la junte a été privée de 60 % des recettes douanières terrestres.

Selon les analystes, la junte, qui n’a réussi à repousser aucune offensive rebelle majeure depuis octobre, se trouve ainsi dans sa position la plus faible depuis son coup d’État de 2021 contre le gouvernement civil élu d’Aung San Suu Kyi.

Les pays voisins tels que la Thaïlande, qui s’attachaient auparavant à dialoguer avec la junte, ont commencé à repenser leur position sur le conflit.

Le vice-ministre thaïlandais des affaires étrangères, Sihask Phuangketkeow, a déclaré mercredi à Reuters que les responsables thaïlandais de la sécurité avaient communiqué avec la KNU et d’autres groupes et qu’ils étaient « ouverts à davantage de dialogue », en particulier sur les questions humanitaires.

« Nous ne nous rangeons pas aveuglément du côté des militaires du Myanmar, mais parce que nous voulons la paix, nous devons leur parler », a-t-il déclaré.

Un porte-parole de la junte n’a pas répondu aux appels de Reuters demandant des commentaires.

Le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing, a accusé les groupes rebelles de chercher à saper l’unité du Myanmar par l’insurrection armée et son gouvernement a qualifié les résistants de « terroristes ».

Des groupes de Karen minoritaires qui contrairement à la KNU, s’étaient ralliés à la junte, l’Armée démocratique bouddhiste karen et l’Armée nationale karen (ANK), n’ont pas participé aux combats, mais patrouillent encore dans certaines parties de Myawaddy et de ses environs.

Il faut savoir que s’il y a des bouddhistes au sein de la KNU, les chrétiens sont majoritaires et qu’il y avait eu des tensions dans le passé qui avait amené à des dissension entre Karen.

Ces groupes ne se sont pas alliés à la résistance et jusqu’à présent, n’ont pas retourné les demandes de commentaires.

Patchwork de combattants

La junte du Myanmar est au bord du gouffre, la Thaïlande revoit sa position

Un membre du KNDF (Karenni Nationalities Defence Force) devant des civils piégés par des frappes aériennes lors d’une bataille pour prendre Loikaw dans l’État Kayah, au Myanmar, le 14 novembre 2023. Photo : Reuters

À l’extrémité ouest de Myawaddy, le colonel Nadah Htoo, commandant en chef de la brigade 6 de la branche armée de la KNU, l’une des plus anciennes forces de combat ethniques du Myanmar, réfléchissait aux prochaines étapes après avoir dirigé le patchwork de combattants de la résistance qui ont vaincu l’armée en une semaine environ.

Entouré de gardes armés, mâchant des feuilles de bétel et jetant un coup d’œil par-dessus ses lunettes de soleil Louis Vuitton, Nadah Htoo a décrit les pourparlers en cours avec d’autres groupes armés ethniques concernant la lutte contre la junte au niveau local.

Reuters a également rapporté que la coordination récente entre les armées rebelles dans d’autres parties du Myanmar a eu lieu à un niveau sans précédent.

Depuis des décennies, ce pays de 55 millions d’habitants est déchiré par des insurrections le long de ses frontières, où opèrent quelque deux douzaines de groupes armés ethniques.

Beaucoup d’entre eux font partie de la résistance ou la soutiennent.

Nadah Htoo et un autre responsable de la résistance ont reconnu les défis que représente le maintien de la coopération au cours de ce qui sera, selon eux, une guerre difficile contre une armée mieux armée.

« Nous devons constamment nous coordonner pour qu’il n’y ait pas d’erreur », a déclaré le colonel à Reuters.

Il a refusé d’être photographié ou filmé avant la fin de l’opération, pour des raisons de sécurité.

À Myawaddy, Reuters a observé au moins trois groupes armés qui se coordonnaient pour garder le contrôle, ce qui témoigne d’une coopération récente et rare entre des forces rebelles qui partagent un ennemi commun, la junte, mais qui ont par ailleurs des intérêts différents.

La plupart des rebelles qui ont pris Myawaddy étaient de l’ethnie Karen, bien qu’ils aient combattu avec certains membres de la résistance nationale de l’ethnie Burman, a déclaré le commandant rebelle Saw Kaw.

« La première chose (est que) nous ne nous entretuons pas », a déclaré le porte-parole Saw Taw Nee à propos des tensions entre la KNU et d’autres groupes ethniques karens qui étaient alliés à la junte jusqu’à ce mois-ci.

« Et puis nous partons de là ».

En octobre dernier, trois groupes rebelles, le Kokang MNDAA, le Ta’ang TNLA et l’Arakan Army (AA), se sont regroupées au sein de ce qu’elles appellent l’Alliance de la fraternité, ont mené l’opération 1027.

Voir : Le régime militaire du Myanmar sur le point de s’effondrer

Une offensive majeure qui a vu la résistance s’emparer de larges pans des zones contrôlées par l’armée le long de la frontière avec la Chine.

Armee de liberation nationale Ta ang

Des membres du groupe de l’Armée de libération nationale de l’ethnie Ta’ang participent à un exercice d’entraînement dans leur camp de base situé dans une forêt du nord de l’État de Shan, au Myanmar. Photo : AFP

« Après l’opération 1027, nous avons vu l’AA dans l’Arakan commencer à pousser.

Lorsque les AA se sont calmés, nous avons décidé de pousser », a déclaré Nadah Htoo de la KNU, décrivant la façon dont les différents groupes rebelles frappaient l’armée avec des offensives successives dans plusieurs régions.

La junte « mène la guerre sur trop de fronts », a déclaré Lalita Hanwong, professeur adjoint à l’université Kasetsart de Thaïlande.

« Si tu regardes en arrière depuis le début de l’opération 1027, les villes dont les forces de la résistance se sont emparées n’ont jamais été reconquises. »

Lors de la bataille pour Myawaddy, les forces dirigées par la KNU ont encerclé la ville et poussé l’administration locale de la junte au bord de l’effondrement avant d’en prendre le contrôle, a déclaré Nadah Htoo.

La branche armée de la KNU a déjà encerclé des positions de la junte avant de lancer des assauts décisifs.

Quelque 200 soldats de la junte restent coincés près d’un pont entre Myawaddy et la Thaïlande, a déclaré Nadah Htoo à Reuters, précisant qu’ils pouvaient soit se rendre aux Thaïlandais, soit à la KNU.

Le colonel et Anthony Davis, analyste en sécurité basé à Bangkok, s’attendent à ce que la junte tente de reprendre Myawaddy dans les semaines à venir afin d’entraver l’accès de la résistance à une importante autoroute voisine qui traverse le cœur du Myanmar.

Certains renforts de l’armée ont déjà été repoussés par la KNU en route vers la ville, et Nadah Htoo a déclaré que l’administrateur politique de la KNU ne prendrait le contrôle de Myawaddy qu’après la fin de l’opération militaire.

La junte tient à reprendre le contrôle de Myawaddy, un centre commercial essentiel et sa principale porte d’entrée vers l’Asie du Sud-Est, a déclaré M. Davis.

Environ 14 % du total des échanges commerciaux du Myanmar via les frontières terrestres entre avril 2023 et mars 2024, soit un total d’environ 1,15 milliard de dollars, sont passés par Myawaddy, selon les données du gouvernement.

Le contrôle du territoire près des frontières peut également être lucratif : l’année dernière, l’ONU et le gouvernement britannique ont accusé de hauts dirigeants de la KNA d’utiliser le territoire près de Myawaddy pour gérer des centres d’escroquerie et des casinos illégaux.

Reuters n’a pas pu déterminer comment les forces de la résistance ont déployé les recettes douanières collectées aux postes frontières qu’elles contrôlent.

Le groupe de réflexion ISP a déclaré que le commerce était suspendu à certains points de passage.

Fin de partie pour la junte ?

La junte du Myanmar est au bord du gouffre, la Thaïlande revoit sa position

Manifestation contre la junte birmane après le coup d’État. Photo : chiangraitimes.com

Les pertes subies aux frontières du Myanmar ont de plus en plus poussé l’armée à pénétrer dans le cœur du pays, dominé par les bouddhistes, qui était autrefois un terrain de recrutement fertile pour l’armée.

La junte y est désormais prise au piège d’un conflit de faible intensité avec des centaines de milices connues sous le nom de Forces de défense du peuple (PDF), dont beaucoup sont alignées sur la KNU et une administration fantôme qui comprend des membres du gouvernement civil déchu.

La junte reste un adversaire redoutable susceptible de conserver le contrôle du gouvernement et du centre du pays, à moins d’une mutinerie ou d’une intervention extérieure, a écrit Morgan Michaels de l’Institut international d’études stratégiques dans une analyse datant du mois de mars.

Cependant, des revers militaires plus proches du centre du Myanmar pourraient couper l’accès de la junte aux principales artères de transport et porter un coup psychologique majeur à son armée, qui saigne déjà ses troupes, a déclaré Davis.

Il a ajouté que cela pourrait « accélérer son recul et son effondrement potentiel. »

Quoi qu’il en soit, les responsables de la KNU, les combattants rebelles et les analystes prévoient davantage de violence et aucune victoire facile, même si la résistance s’efforce de coordonner les opérations et de conserver son élan.

« Dans notre pays, il y a tellement de groupes et tellement de différences », a déclaré Saw Taw Nee.

« Nous prendrons du temps et nous serons unis ».


Source : Reuters

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1 commentaire

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HANSSON 19 avril 2024 - 12 h 37 min

La grosse inconnue n’est plus (sauf effondrement peu probable des forces d’opposition à la junte, qui jusqu’à présent se coordonnent pour agir ensemble contre le même ennemi) de savoir combien de temps la junte va tenir et si à terme, celle-ci devra disparaitre, ou ce que deviendront ses leaders militaires.

Le gros problème qui va se poser quand l’Armée et la junte déposeront les armes et s’avoueront vaincus, ce sera de trouver un leader politique qui pourra rassembler les intérêts des différentes ethnies et faire du Myanmar, ex-Birmanie, un état qui pourrait, par exemple, étant donné les spécificités et différences fondamentales religieuses, économiques et politiques qui les caractérisent, se tourner vers une structure fédérale des diverses régions, avec des administrations indépendantes, des gouvernements régionaux compétents dans les matières sociales, économiques et politiques locales, ne se retrouvant au niveau national et fédéral que pour des questions communes, comme la constitution d’une armée et d’une police commune, ainsi que certaines administrations de coordinations interrégionales.

Mais si cette solidarité venait à disparaitre parce qu’un leader d’une de ces ethnies, qui par le passé se sont affrontées mortellement pour des morceaux de territoires ou des accès aux frontières des pays voisins, avait la volonté de prendre le pouvoir de force, sans l’accord de ses partenaires de combats actuels, il est certain que le pays va se déchirer dans une guerre civile et ethnique qui ne verra jamais de vainqueur et en supportera les conséquences, bien plus graves qu’actuellement avec un peuple qui déjà est en survie et avec une majorité de la population rurale qui est dans un état de pauvreté extrême, privé dans certaines régions d’eau potable et de nourriture équilibrée.

Le pire est peut-être à venir !!!

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