La Thaïlande est-elle devenue le grand malade de l’ASEAN ?

La crise politique et la mauvaise gestion de l’économie durant les dernières décennies ont eu un impact sur la croissance de la Thaïlande.

Alors que les autres pays de l’ASEAN (ANASE) rebondissent fortement après le choc économique de la pandémie, la Thaïlande est à la traîne.

Voir : L’économie de la Thaïlande est loin derrière les autres pays d’Asie du Sud-Est

Selon le Conseil national de développement économique et social (NESDC) :

« L’économie thaïlandaise n’a progressé que de 1,5 % au premier trimestre de cette année, après une croissance de 1,7 % au quatrième trimestre de l’année dernière et de 1,9 % pour l’ensemble de l’année 2023. »

Le pays est enlisé dans une croissance anémique depuis la crise financière de 1997.

Malheurs budgétaires

Circulation à Bangkok. Photo : TPW

L’une des principales causes de la stagnation de cette année a été le retard dans le décaissement du budget de l’exercice 2024 en raison du retard dans son adoption par le Parlement, ce qui a entraîné une baisse des dépenses publiques.

Une impasse politique après les élections générales de mai 2023, qui n’ont donné à aucun parti une majorité claire, a retardé la formation d’un gouvernement de coalition.

Voir : Comment la Thaïlande a finalement obtenu son nouveau Premier ministre

Le parti Move Forward, qui a remporté le plus grand nombre de sièges à la chambre basse et a tenté de former une coalition, a été bloqué par l’élite de l’establishment qui est devenue la principale force politique après les coups d’État militaires de 2006 et 2014.

Les critiques ont accusé un État profond d’être réellement en charge du pays, ce qui a eu un effet domino sur la gestion économique, en particulier sur la façon dont le budget est alloué.

Le public et les partis d’opposition ont beau pousser des cris d’orfraie sur les allocations budgétaires au ministère de la Défense et aux organisations connexes, ils ne peuvent pratiquement rien changer.

Outre le manque de transparence dans l’allocation du budget, il existe également un problème structurel, à savoir le gonflement des dépenses courantes (telles que les salaires, l’assurance maladie et le fonds de pension des fonctionnaires de l’État) au détriment des dépenses d’investissement.

Année après année, les dépenses d’investissement ont été réduites, ne représentant qu’environ 20 % des dépenses totales.

De nombreux économistes ont attribué la responsabilité de la longue période de faible croissance économique à la faiblesse des investissements des secteurs public et privé dans le contexte de la crise financière asiatique d’après 1997.

Selon Somprawin Manprasert, économiste en chef du Centre d’intelligence économique de la Siam Commercial Bank (SCB) :

« L’une des faiblesses palpables du secteur privé est que, bien que le nombre de petites et moyennes entreprises soit de 97 %, leurs revenus combinés ne représentent qu’un peu plus de 10 %, et leurs revenus sont en baisse.

En revanche, les 3 % de grandes entreprises ont un revenu combiné de plus de 80 %. »

Il a également soulevé la question de la bureaucratie qui rend la création d’une entreprise coûteuse, car les entrepreneurs doivent demander des licences à de nombreux ministères et départements gouvernementaux.

Les investisseurs étrangers en Thaïlande sont également confrontés à l’évolution rapide de la chaîne d’approvisionnement mondiale et de la technologie.

« Certaines multinationales ont fait faillite parce que leurs produits sont devenus obsolètes sur le marché, ce qui a également eu des répercussions sur les exportations thaïlandaises », a déclaré M. Somprawin.

Laissés pour compte dans la course à l’automobile

Industrie automobile thaïlandaise. Photo : Bureau des investissements de Thaïlande (BOI).

L’incertitude à laquelle est confrontée l’industrie automobile en est un exemple.

La Thaïlande était autrefois surnommée le « Détroit de l’Asie », mais son marché automobile a récemment été dépassé par la Malaisie.

Selon Nikkei Asia, les ventes d’automobiles en Malaisie ont dépassé celles de la Thaïlande pendant trois trimestres consécutifs jusqu’au premier trimestre de cette année.

La Thaïlande n’occupe plus que la troisième place, l’Indonésie étant devenue le plus grand marché de l’ASEAN.

Le déclin du marché automobile thaïlandais est principalement dû au ralentissement de la croissance économique et à l’endettement élevé des ménages, qui sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir joindre les deux bouts.

L’endettement des ménages thaïlandais a atteint le niveau inquiétant de 91 % du PIB.

Voir : L’endettement des ménages en Thaïlande est une préoccupation majeure

Si la Thaïlande a souffert du ralentissement de la croissance économique, d’autres pays de l’ASEAN continuent d’enregistrer de bons résultats.

L’Indonésie, la plus grande économie de l’ASEAN, a connu une croissance de 5,1 % au premier trimestre de cette année, après une croissance de 5 % en 2023.

L’économie de la Malaisie a progressé de 4,2 % au premier trimestre et de 3,6 % en 2023.

L’économie des Philippines a progressé de 5,7 % au premier trimestre de cette année et de 5,5 % l’année dernière, tandis que celle du Viêt Nam a augmenté de 5,7 % et de 5 % respectivement.

Le Viêt Nam et la Malaisie ont réussi à attirer des investissements dans les hautes technologies telles que les semi-conducteurs.

Quant à l’Indonésie, elle dispose de riches réserves de nickel, essentielles pour les batteries et les véhicules électriques.

Voir aussi : Gros malentendu : la Thaïlande n’est pas le 3ᵉ pays le plus riche en lithium

La Thaïlande pourrait attirer les investissements directs étrangers des fabricants chinois de véhicules électriques.

Mais de nombreux critiques s’inquiètent du fait que la Thaïlande pourrait ne pas bénéficier beaucoup des investissements chinois, étant donné qu’ils apportent leurs propres chaînes d’approvisionnement.

Certains critiques estiment toutefois que la décision des États-Unis d’imposer des droits de douane de 100 % sur les voitures électriques fabriquées en Chine pourrait rendre la Thaïlande plus attrayante pour servir de base de fabrication de véhicules électriques.

Voir : Pourquoi les constructeurs automobiles chinois s’intéressent à la Thaïlande ?

Krisda Utamote, président de l’Association thaïlandaise des véhicules électriques, pense que les entreprises locales qui fabriquent des pièces automobiles pourraient bénéficier des investissements chinois.

Mais il n’est pas certain que la Thaïlande profiterait du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, qui s’est traduit par des droits de douane élevés sur les voitures chinoises entrant sur le marché américain.

Pour redresser l’économie en difficulté, les gouvernements précédents et actuels ont tenté de promouvoir de nouvelles industries de la courbe en S afin de rattraper les autres pays de l’ASEAN, mais le résultat reste à voir.

Voir aussi :

2024, l’année de la reprise pour l’économie de la Thaïlande

Thaïlande : la cérémonie du Labour Royal 2024 prédit une économie prospère

L’économie de la Thaïlande menacée par les tensions géopolitiques

Source : Thai PBS World