Un policier extravagant amateur de voitures de luxe tombe en disgrâce suite à la fuite d’images glaçantes d’un interrogatoire brutal qui a mal tourné.
Il ne s’agit pas de l’intrigue d’un thriller à succès, mais de la réalité vivante d’une histoire qui a saisi la Thaïlande ces dernières semaines et mis en lumière la corruption de la police qui, selon les experts, touche presque toutes les couches de la société dans le royaume.
Voir : Une vidéo montre des policiers torturer et tuer un homme en Thaïlande
Le cas de Thitisan Utthanaphon, ancien chef de poste de police dans une province rurale, surnommé « Joe Ferrari » pour son style de vie extravagant, a suscité des appels à la réforme de la police.
Cet homme de 41 ans est accusé de meurtre, d’abus de pouvoir et d’autres délits après qu’un suspect de drogue ait été étouffé avec six sacs en plastique autour de la tête dans une tentative présumée d’extorsion de 2 millions de bahts.
L’incident a d’abord été étouffé et enregistré comme une overdose d’amphétamine, jusqu’à ce qu’un avocat révèle la cause du décès dans un post sur Facebook.
Dans un geste typique des réseaux de patronage qui, selon les critiques, sous-tendent la corruption systémique, le Colonel Thitisan a ensuite été transféré dans un bureau de police régional dans une province voisine, commandé par le père de sa petite amie présentatrice de télévision.
C’est ce qui arrive la plupart du temps, quand un policier est accusé de crime en Thaïlande, il est simplement transféré dans un autre poste de police et l’histoire s’arrête là.
Mais le pire était à venir pour lui : un autre avocat a publié une vidéo effrayante divulguée par un policier subalterne qui montre le Colonel Thitisan en train d’étouffer le suspect menotté tandis que d’autres officiers le maintiennent au sol.
L’officier subalterne a demandé à l’avocat de suivre l’affaire avant que lui et ses collègues officiers ne soient tués.
Ce qui doit faire réfléchir sur la situation difficile dans laquelle les policiers honnêtes peuvent se trouver en Thaïlande, car en général, ce sont les policiers les plus corrompus qui grimpent le plus vite les échelons du pouvoir.
La vidéo est devenue virale, choquant le royaume et incitant la police à arrêter le Colonel Thitisan et plusieurs autres officiers.
Après avoir fui et menacé de se suicider, le Colonel Thitisan s’est rendu à la police et a nié toutes les accusations portées contre lui.
Sittra Biabungkerd, l’avocat qui a publié la vidéo, a déclaré à l’AFP qu’il l’avait fait pour empêcher les policiers de « s’entraider pour s’en sortir » avec un meurtre.
« Beaucoup de gens peuvent penser que l’interrogatoire de suspects à l’aide de sacs en plastique n’a plus cours parce que les temps ont changé », a-t-il déclaré.
« Mais cette affaire montre qu’en réalité, cela se passe toujours en secret ».
Policier flashy et voitures rapides…

Les voitures de luxe de Joe Ferrari. Photos de la police royale thaïlandaise
Les révélations sur le riche style de vie du Colonel Thitisan et ses nombreuses relations avec des célébrités ont fait la une des journaux après son arrestation.
Les enquêteurs ont indiqué aux médias thaïlandais qu’il possédait une luxueuse villa à Bangkok, une flotte de 42 voitures de luxe et une fortune personnelle estimée à 15 millions d’euros, le tout avec un salaire de commissaire de police de 40 000 bahts (1 026 euros) par mois.
Le militant Srisuwan Janya a déclaré à l’AFP que l’autorité de lutte contre le blanchiment d’argent avait été chargée d’enquêter sur la richesse du Colonel Thitisan.
« Il est impossible qu’un homme avec un salaire de 40 000 bahts puisse posséder 40 voitures, y compris des voitures de luxe », a déclaré M. Srisuwan.
Une partie de l’importante fortune du Colonel Thitisan provient de la vente aux enchères de centaines de voitures de luxe importées saisies par les douanes thaïlandaises, selon des officiers supérieurs cités par les médias locaux.
Les enquêteurs doivent remettre leurs conclusions à la Commission nationale de lutte contre la corruption le 24 septembre avant de décider de transmettre ou non l’affaire au procureur général.
Une réforme de la police difficile
Après avoir pris le pouvoir en tant que chef de l’armée lors d’un coup d’État en 2014, le Premier ministre Prayut Chan-o-cha a promis d’éradiquer la corruption.
Sept ans plus tard, l’affaire Joe Ferrari montre le peu de résultats obtenus dans l’éradication des malversations policières, et les observateurs gardent peu d’espoir d’un changement sérieux.
La réforme a été un « échec spectaculaire » parce que ceux qui sont liés au sommet sont protégés par « la protection et le favoritisme » et que les dénonciateurs sont punis ou réduits au silence, a déclaré l’analyste Thitinan Pongsudhirak de l’Université Chulalongkorn.
Pour tenter de relancer la réforme de la police, le gouvernement a approuvé un projet d’amendement de la loi sur la police nationale au début de l’année.
Mais ce projet fait toujours l’objet de délibérations au Parlement et avance à pas de tortue, les membres de la commission, dont certains sont d’anciens policiers, marchandant sur les détails.
Voir : Les réformes de la police en Thaïlande ont « des années de retard »
Comme l’administration Prayut dépend du soutien de la police, elle est prudente en matière de réforme, a déclaré Paul Chambers, maître de conférences à l’université de Naresuan.
« Le seul changement que l’affaire Joe Ferrari va probablement susciter est que les policiers véreux prennent davantage soin de cacher les activités illégales dans lesquelles ils s’engagent », a déclaré M. Chambers à l’AFP, soulignant les efforts répétés du passé pour réformer la police.
« Aucune reforme n’a fonctionné et aucune n’est susceptible de le faire de sitôt ».
Le chef de la police royale thaïlandaise, Suwat Jangyodsuk, a imputé le scandale actuel à « une pomme pourrie ».
Mais la confiance du public dans les forces de police s’est érodée depuis longtemps.
Presque tous les entrepreneurs thaïlandais, que leur activité soit légale ou non, savent qu’ils doivent payer la police locale pour pouvoir exercer leur activité, qu’il s’agisse de conducteurs de motos-taxis, de marchands ambulants de nourriture, de propriétaires de maisons closes ou de trafiquants de drogue.
Près de la moitié des Thaïlandais ont déclaré avoir versé des pots-de-vin à la police au cours des 12 derniers mois, selon une étude de Transparency International publiée en novembre 2020.
Et la crise économique thaïlandaise, alimentée par la pandémie, n’a fait qu’aggraver la corruption, la police ayant reçu plus de pouvoir pour faire appliquer les lois liées au Covid-19.
La Thaïlande a perdu 19 places dans le classement de Transparency International sur la corruption depuis 2014, et se situe désormais au 104e rang sur 180 pays.
Voir aussi :
Joe Ferrari : la vie luxueuse de l’ex-chef de police controversé en Thaïlande
Suite de l’affaire des policiers tueurs en Thaïlande : l’autopsie confirme le meurtre
Les policiers thaïlandais vont-ils protéger leur collègue meurtrier ?
Le braqueur d’une bijouterie en Thaïlande était en fait un policier
Source : Bangkok Post
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Et pour ceux qui aiment lire des polars, je vous conseil la série des Bangkok 8 :
Bangkok 8 de John Burdett, un excellent polar à découvrir !
C’est une histoire fictive mais qui met en lumière la triste réalité de l’état de la police en Thaïlande.
La corruption en Thaïlande, et pas seulement dans la police ou elle est omniprésente et pose réellement un problème quotidien pour les policiers honnêtes (il y en a et c’est pour la plupart des non-gradés.) est ancrée très, très profondément dans la société et dans les sphères des différents pouvoirs, politique, économique, financier et illégaux comme la collusion avérée de certains fonctionnaires de la haute Administration et des officiers, gradés des forces de police avec les magnats de trafics en tout genre (armes, drogues, traite des êtres humains, blanchiment d’argent, faux documents, pots-de-vin, etc, etc, etc…
La mise sur pied d’une réforme de la police est une parodie et un écran de fumée qui dure depuis 20 ans…
Et juste destiné à donner des arguments et des simili-preuves de volonté de réforme aux personnes qui font partie du comité mis en place vis-à-vis d’une population grugée et spoliée, face à une corruption quotidienne digne de petits malfrats et tire-au-flanc à la petite semaine…
En réalité, les membres qui font partie de la commission de la réforme de la police (pour ne citer que cette partie-là de la corruption en Thaïlande) sont des hommes politiques qui comme le dit l’article, sont souvent issus eux-mêmes des milieux de la police ou de l’Armée, anciens gradés ayant gardé des contacts étroits avec la hiérarchie en place et liés pour certains d’entre eux par le passé, à des magouilles diverses, tenues sous silence de longues années, enterrées et scellées sous une « omerta » généralisée.
Il ne faut pas aller chercher ailleurs la quasi-stagnation de cette commission de réforme dont les membres sont en conflit d’intérêt jusqu’au cou…
Une des solutions serait de constituer une commission indépendante (déjà faudra expliquer aux thaïlandais la notion « d’indépendance » d’un groupe de travail) regroupant des scientifiques et des experts en droit, en législation et sciences politiques exerçant dans la sphère privée et en tant que consultants internationaux…
Cela sous-entend la présence de personnes incorruptibles spécialisées au niveau international et pas forcément de nationalité thaïlandaise…
Devrait être exclus de ce groupe de travail sur la réforme de la police thaïlandaise tout individu actuellement actif dans le gouvernement ou faisant partie du parlement thaïlandais, ainsi que toute personne ayant ou ayant eu de près ou de loin, dans la sphère familiale et/ou professionnelle, une fonction quelle qu’elle soit en rapport avec une activité militaire ou policière.
C’est loin d’être le cas actuellement, c’est même complètement l’inverse ! La corruption dans les forces de police en Thaïlande est aussi bien organisée et ramifiée que les réseaux mafieux qu’elle est censée combattre…
Et comme elle est « auto-protégée » par son statut de quasi-immunité, il est probable, pour ne pas dire certain, que rien ne changera à l’avenir…
Les corrompus ou corrupteurs ne vont pas mettre fin eux-mêmes à leurs sources de profits juteux et illicites…
Y a la police.
Et dans l’armée ?
Et dans les T P ?
Et tous les marchés d’état ?
Question : suite à cette affaire (l’une des plus retentissantes de ces dernières années, qui a entraîné la mort d’un homme) la commission chargée de travailler sur la réforme de la police (commission composée en grande partie de membres du gouvernement et d’anciens hauts gradés de la police !!!) et qui depuis 10 ans n’a pas avancé d’un iota, va-t-elle SÉRIEUSEMENT enfin progresser ?
Réponse : NON
Autre question : le retentissement de cette affaire dans les médias, va-t-il changer le comportement des policiers corrompus à quelques niveaux que ce soit à long terme et va-t-on assister à une diminution sensible des affaires semblables qui éclateraient au grand jour ?
Réponse : NON
Pourquoi : simplement parce que le genre d’affaire « Jo ferrari » est la partie émergée de l’iceberg et ne représente qu’un infime pourcentage de la corruption et n’affectera en rien toutes les affaires plus discrètes et secrètes, particulières aux corruptions de longue durée, presque des « institutions » dans l’Etat…
Simplement, comme le dit l’article, les auteurs feront preuve de plus de prudence…
Ce qui a perdu le colonel de police « Jo ferrari », ce n’est pas la corruption, c’est son ego qui lui faisait croire que tout lui était permis, y compris d’assassiner en croyant disposer d’une impunité absolue…
Des « bruits de couloirs » se font entendre, sous-entendant que Jo Ferrari aurait été libéré et coulerait des jours paisibles dans sa maison à 60 millions de baths…
Quelqu’un, a-t-il eu vent de cette rumeur ?
Salut Hansson,
Si c’est vrai, c’est un autre scandale en vue.