Thaïlande : l’ancien chef de la police accusé d’un vaste scandale de corruption

L’ancien chef de la police thaïlandaise, Torsak Sukvimol, est visé par une enquête de corruption impliquant plus de 200 policiers.

Les problèmes de corruption au sein de la police thaïlandaise font régulièrement la une des médias nationaux, et de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une réforme en profondeur d’une institution gangrenée.

Voir : La série de scandales impliquant la police thaïlandaise appelle à une réforme

Une enquête de sept mois menée par la Commission d’examen des plaintes contre la police a permis de trouver suffisamment de preuves pour inculper Torsak Sukvimol et plus de 200 de ses collègues.

Ils sont accusés d’infractions disciplinaires liées à des pots-de-vin impliquant des réseaux de jeux d’argent en ligne.

La commission, qui comprend plusieurs généraux de police à la retraite, est chargée de poursuivre les cas de faute professionnelle sur la base des preuves et des documents recueillis auprès de plusieurs agences, ainsi que d’un examen détaillé des registres financiers couvrant plusieurs années.

L’affaire trouve son origine dans une plainte déposée en mars 2024 par le célèbre avocat Sittra Biabungkerd, qui accusait le chef de la police de l’époque d’être lié à des affaires de corruption impliquant des syndicats de jeux d’argent illégaux.

Voir : Corruption en Thaïlande : des preuves mèneraient à la femme du chef de la police

Sittra a depuis été placé en détention provisoire pour fraude et blanchiment d’argent après son arrestation en novembre dernier.

Une querelle acharnée au sommet de la police thaïlandaise

L’ancien chef de la Police nationale, Torsak Sukvimol et l’ancien chef adjoint de la police nationale, Surachate Hakparn lors d’une conférence de presse en juin 2024. Photo : Police royale thaïlandaise.

Torsak, 61 ans, a occupé le poste de chef de la police thaïlandaise pendant un an, de 2023 à 2024, mais son mandat a été entaché par une querelle acharnée avec son adjoint le plus haut gradé, le général Surachate Hakparn.

Surachate, connu pour lutter efficacement contre la corruption, n’hésitait pas à s’attaquer à des personnes haut placées, ce qui en faisait un danger pour les politiciens et policiers corrompus.

C’est lui qui aurait dû être nommé chef de la police à la place de Torsak, mais des manœuvres internes l’ont écarté du poste.

Les deux plus hauts responsables de la police à l’époque se sont mutuellement accusés d’avoir tiré profit des opérateurs de casinos en ligne.

Surachate a été rapidement limogé en juin 2024 en raison de ses « liens présumés » avec ces réseaux et il aura fallu 19 mois pour que les policiers rendent la conclusion d’une enquête sur Torsak sur la base de preuves fournies en mars 2024.

Selon certaines spéculations, le général Torsak s’en serait pris au général Surachate et à son équipe parce qu’ils avaient poursuivi des policiers corrompus dans l’affaire du chef mafieux surnommé Kamnan Nok.

Lors de cette affaire, deux policiers, un incorruptible et un corrompu, ont perdu la vie alors qu’ils travaillaient sous la direction du général Torsak.

Voir : Un chef mafieux fait tuer un agent incorruptible devant 28 policiers en Thaïlande

D’après les hommes de Surachate, le policier corrompu aurait été « suicidé » parce qu’il était prêt à parler, ce qui mettait en danger de hauts responsables, et c’était un proche de Torsak.

Suite à ce conflit, le Premier ministre de l’époque, Srettha Thavisin, avait transféré les deux hommes à des postes inactifs au sein du cabinet du Premier ministre et avait ordonné une enquête.

La querelle avait finalement conduit au renvoi de Surachate des forces de police et à la suspension de Torsak jusqu’à sa retraite obligatoire en septembre 2024.

Voir : Bonne nouvelle pour tous les policiers corrompus en Thaïlande

En 2023, quelques jours avant que la Commission de police ne nomme un nouveau chef de la Police nationale, la maison de Surachate à Bangkok avait été perquisitionnée par des agents chargés de la cybercriminalité qui enquêtaient sur le blanchiment d’argent et les jeux d’argent en ligne.

Voir : Attaque contre le « monsieur propre » de la police en Thaïlande

Surachate avait nié ces allégations, affirmant qu’elles avaient été concoctées par des rivaux au sein de la police pour lui barrer la route vers le poste de chef de la police.

Srettha Thavisin et la Commission de police avaient ensuite choisi Torsak, le moins ancien des quatre candidats au poste de chef adjoint, comme nouveau chef de la police.

Surachate était le candidat le plus ancien qui aurait dû être nommé au poste, mais la perquisition de son domicile a permis de le mettre à l’écart.

Les détracteurs ont affirmé que Torsak n’était pas le meilleur candidat pour le poste et que sa nomination enfreignait les règles et réglementations en vigueur.

D’après un ancien policier à la retraite, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, aujourd’hui en prison, aurait été impliqué dans cette affaire.

Voir : Guerre des polices en Thaïlande : l’ombre de Thaksin Shinawatra ?

L’incroyable ascension de Torsak dans la police thaïlandaise

Le général de police Torsak Sukvimol.

Contrairement à la plupart des autres hauts responsables de la police, Torsak n’est pas diplômé de l’Académie royale des cadets de la police.

Il est titulaire d’une licence en sciences politiques de l’université Thammasat et d’une maîtrise en arts libéraux de l’université Sripatum.

Parmi ses frères aînés figure ACM Satitpong Sukvimol, secrétaire particulier de Sa Majesté le roi Maha Vajiralongkorn, grand chambellan du Bureau de la maison royale et directeur général du Bureau des biens de la Couronne.

Torsak est né le 27 janvier 1964 dans la province de Phetchaburi, cadet d’une fratrie de cinq enfants.

Torsak a commencé sa carrière dans la compagnie pétrolière Caltex, où il aurait gagné près de 100 000 bahts (2 675 euros) par mois.

Il a démissionné après sept ans passés au sein de la multinationale pétrolière pour poursuivre son rêve d’enfance : une carrière dans la police.

À la fin de l’année 1997, Torsak a suivi une formation d’officier destinée aux non-diplômés de l’Académie royale des cadets de la police.

Il a rejoint les forces de police en février 1998, à l’âge de 33 ans, en tant qu’inspecteur adjoint à la Division des patrouilles et des opérations spéciales.

Deux ans plus tard, il a été muté à la Division de la répression du crime (CSD), où il a travaillé pendant 17 ans.

Il a été promu au grade d’inspecteur, puis de commandant adjoint de la CSD, supervisant des tâches importantes telles que le contrôle des foules, les opérations spéciales de commando et la sécurité des membres de la famille royale.

En mai 2016, il a été promu au grade de commissaire avec le grade de colonel de police, puis a poursuivi son ascension rapide grâce à des « promotions accélérées » qui semblaient contourner les règlements de la Commission de police.

En mars 2018, il a été nommé commandant adjoint de la CSD.

En octobre de la même année, il est devenu commandant de la division 904 de la garde royale de la police, qui est rattachée au Bureau central d’enquête (CIB), bien que ce poste soit réservé aux candidats ayant occupé le poste de commandant adjoint pendant au moins cinq ans.

En 2019, il a été nommé commissaire adjoint du CIB, puis commissaire en octobre 2020, même s’il était l’un des candidats les moins expérimentés.

Il a été promu chef adjoint de la police nationale en 2021, chef adjoint en 2022, puis enfin chef de la police en 2023.

Après avoir été nommé commissaire du CIB, Torsak a déclaré qu’il ne s’était jamais attendu à « aller aussi loin ».

Trois ans plus tard, il a gravi encore plus haut les échelons et atteint le poste le plus élevé de sa profession, seulement 25 ans après avoir commencé sa carrière dans la police.

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Source : Thai PBS World