La Thaïlande doit se détacher des États-Unis pour préserver ses intérêts

Face à la montée en puissance de la Chine et aux pressions économiques des États-Unis, la Thaïlande doit trouver un équilibre délicat.

Des experts appellent Bangkok à éviter tout alignement aveugle et à privilégier une stratégie multipolaire.

Un forum organisé récemment par le Club international des médias de Thaïlande (IMCT) a mis en évidence la montée en puissance rapide de la Chine en tant que concurrent mondial et les vulnérabilités économiques croissantes des États-Unis.

Les pressions exercées par Washington sur la scène internationale poussent les pays de l’hémisphère sud à s’aligner sur la Chine, même l’Inde montrant des signes d’éloignement de sa position traditionnellement pro-américaine.

Les intérêts stratégiques comptent

Drapeau américain avec les étoiles remplacées par des missiles.

Thanong Khanthong, président de l’IMCT, a déclaré que la Thaïlande devait préserver ses intérêts dans ce contexte international turbulent.

« La Thaïlande ne peut se permettre de suivre aveuglément les États-Unis.

Notre approche doit être fondée sur la négociation et le levier stratégique », a-t-il déclaré.

Il a fait référence à des réunions de haut niveau, notamment celle entre le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine.

Les analystes avaient précédemment estimé à près de 50 % le risque d’escalade nucléaire en Europe de l’Est.

Selon lui, ces initiatives reflètent des calculs mondiaux plus larges, la Chine visant à réduire les tensions entre l’Europe et la Russie et à se concentrer sur la lutte contre la domination économique et technologique des États-Unis.

Il a ajouté que la motivation des États-Unis n’était pas militaire, mais économique.

En vingt ans, Washington est passé de partenaire à rival de la Chine.

Pour freiner la croissance de la Chine, les États-Unis ont lancé une guerre hybride faite de restrictions commerciales, de concurrence technologique, de cyberattaques et de droits de douane ciblés pour préserver la domination occidentale.

« Nous assistons actuellement à une guerre quasi multidimensionnelle entre les États-Unis et la Chine, qui englobe la guerre hybride, le commerce, la technologie, les cyberopérations et les droits de douane ciblés visant spécifiquement à affaiblir la Chine », a-t-il déclaré.

Les pressions économiques s’intensifient

La Thaïlande et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Photo : Thailand Business News.

« La montée en puissance de la Chine est évidente dans de nombreux secteurs.

Des réseaux ferroviaires à grande vitesse et de la production aéronautique nationale aux énergies renouvelables, aux véhicules électriques, à l’intelligence artificielle et à la fabrication de smartphones et de semi-conducteurs de pointe.

Pékin remet régulièrement en cause les monopoles occidentaux », a déclaré M. Thanong.

En réponse, les États-Unis ont appliqué des droits de douane protecteurs, visant à affaiblir la Chine et à forcer les autres nations à négocier selon leurs conditions.

Il a déclaré que la Thaïlande devait résister à la tentation de devenir un pion dans un jeu à somme nulle.

Il a suggéré d’explorer la coopération multilatérale à travers des cadres mondiaux émergents tels que les BRICS.

Il a averti que la confrontation de Trump avec les BRICS, où la Chine joue un rôle clé, et rapproche les membres du groupe.

Même l’Inde est en train de changer d’avis.

Une action coordonnée de la Chine, de l’Inde et de la Russie, parallèlement à des monnaies numériques telles que le yuan ou le Brics Pay, pourrait affaiblir la domination du dollar américain et modifier la géopolitique mondiale.

« L’avenir de la Thaïlande réside dans son adhésion à des systèmes économiques multipolaires, plutôt que dans son attachement aux États-Unis, qui ont conçu des stratégies indo-pacifiques visant à contenir militairement la Chine », a-t-il déclaré.

Kraisin Vongsurakrai, secrétaire général adjoint de la Chambre de commerce thaïlandaise, a analysé les moteurs économiques de la Thaïlande :

La consommation intérieure, les exportations, les dépenses publiques et les investissements étrangers, qui affichent tous actuellement des signes de faiblesse.

Le tourisme apporte un soutien temporaire, mais ne peut compenser les vulnérabilités structurelles.

Il a également noté qu’une grande partie des investissements étrangers en Thaïlande provient indirectement de Chine, même si l’instabilité politique reste une source de préoccupation pour les investisseurs.

Une approche multilatérale

Drapeaux des premiers pays BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

Le forum a également exploré la dynamique du commerce mondial.

En 2022, les États-Unis ont restreint leur collaboration avec la Chine dans le domaine des technologies de pointe.

M. Kraisin a déclaré :

« La Chine, elle, a poursuivi son initiative « Belt and Road » (nouvelles routes de la soie), établi des marques nationales de confiance et développé des capacités de pointe en matière d’IA et d’espace.

Les performances de la Chine se rapprochent de celles des États-Unis, ce qui a incité Washington à imposer des restrictions au soutien international aux ambitions spatiales et technologiques de Pékin.

Les investissements soutenus de la Chine en Thaïlande, parallèlement à l’influence économique croissante des BRICS, offrent à Bangkok la possibilité de s’engager dans un monde multipolaire en mutation plutôt que de dépendre exclusivement des partenariats occidentaux. »

La part économique mondiale des BRICS a dépassé celle du G7, passant de 16,9 % en 1995 à 31,2 % en 2023.

L’annonce par le Brésil de réduire sa dépendance au dollar américain souligne les changements systémiques qui remodèlent la finance mondiale.

Dans ce contexte, la Thaïlande est confrontée aux droits de douane américains, aux taxes restrictives sur les importations chinoises et aux pressions commerciales qui limitent sa flexibilité, rendant indispensables des négociations stratégiques.

M. Kraisin a déclaré que le secteur privé thaïlandais ne pouvait pas relever seul ces défis.

Il a appelé le gouvernement à intervenir pour coordonner la politique industrielle et réduire les inégalités.

Cela renforcerait la résilience et fournirait une base solide pour négocier en position de force sur les scènes régionale et mondiale.

« Cette année marque le 50ᵉ anniversaire des relations diplomatiques entre la Thaïlande et la Chine.

Le secteur des affaires a organisé des activités et lancé l’Association des entreprises chinoises, qui regroupe environ 400 investisseurs chinois réputés en Thaïlande, avec le soutien de l’ambassade de Chine.

L’objectif est de réduire les activités douteuses des entreprises chinoises en Thaïlande.

Il est temps que les entreprises chinoises légitimes se manifestent et contribuent à éliminer progressivement les activités illégales », a-t-il déclaré.

Perspectives

Drapeaux de la Chine et des États-Unis sur une carte du monde et des personnes dans une ville. Illustration : The Nation Thailand

Alors que les États-Unis et la Chine poursuivent leur rivalité multidimensionnelle, la Thaïlande doit trouver un équilibre délicat dans son alignement.

Une dépendance excessive à l’égard de Washington risque de l’exposer à des conflits commerciaux et géopolitiques, tandis que le fait d’ignorer Pékin pourrait compromettre la croissance et la stabilité, a-t-il déclaré.

Les participants ont souligné que la stratégie de Bangkok devait être axée sur des négociations pragmatiques, un engagement multilatéral et des réformes internes.

M. Thanong a conclu :

« La Thaïlande doit se libérer de sa dépendance vis-à-vis du marché américain et adopter une stratégie multipolaire.

Ce faisant, nous préserverons nos intérêts et nous préparerons un avenir où ce sont les négociations, et non un alignement aveugle, qui détermineront le succès national. »

Selon les experts, la Thaïlande devrait poursuivre ses intérêts nationaux plutôt que de suivre l’exemple de Washington.

Voir aussi :

Vietnam : le nouveau tigre économique qui menace la Thaïlande

Droit de douane à 19 % : les concessions de la Thaïlande aux États-Unis

Trump impose 19 % de droits de douane à la Thaïlande et au Cambodge

BRICS+ : la Thaïlande renforce ses liens avec la Chine et la Russie

Les relations complexes de la Thaïlande avec les États-Unis et la Chine

Source : Bangkok Post