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Thaïlande : la Première ministre destituée, une alliance surprise relance le jeu

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Thaïlande : la Première ministre destituée, une alliance surprise relance le jeu

Destitution choc en Thaïlande : Paetongtarn Shinawatra écartée du pouvoir, un accord inédit avec le Parti populaire pourrait mettre fin à la crise.

La Cour constitutionnelle thaïlandaise a destitué la Première ministre Paetongtarn Shinawatra pour violation de l’éthique, le vendredi 29 août.

Ce nouveau coup porté à la dynastie Shinawatra plonge une fois de plus la Thaïlande dans l’incertitude politique.

Mme Paetongtarn était la plus jeune Première ministre de Thaïlande.

De Thaksin à Yingluck : la chute répétée des Shinawatra

Thaïlande : la Première ministre destituée, une alliance surprise relance le jeu

La Première ministre thaïlandaise, Paetongtarn Shinawatra et son père, l’ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra. Photo : Thai PBS World

Elle devient la sixième cheffe du gouvernement issue de la famille milliardaire Shinawatra, ou soutenue par celle-ci, à être destituée par l’armée ou la justice.

Cette série de destitutions illustre une lutte tumultueuse pour le pouvoir qui oppose depuis deux décennies les élites rivales du pays.

Son père, Thaksin, a été renversé lors du coup d’État de 2006, tandis que sa tante, Yingluck, a été destituée par la Cour constitutionnelle début 2014, quelques semaines seulement avant un autre coup d’État militaire.

Voir aussi : La Thaïlande en plein chaos politique : la fin de la dynastie Shinawatra ?

Trahie par le grand ami de son père

Thaïlande : la Première ministre destituée, une alliance surprise relance le jeu

Hun Sen, président du Sénat cambodgien et la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra.

Dans son verdict, la cour a déclaré que Mme Paetongtarn avait enfreint l’éthique lors d’un appel téléphonique divulgué en juin, au cours duquel elle semblait s’incliner devant le président du Sénat cambodgien Hun Sen alors que les deux pays étaient au bord d’un conflit armé à la frontière.

Les combats ont éclaté quelques semaines plus tard et ont duré cinq jours.

La Cour constitutionnelle a estimé qu’en vertu de l’article 170 (1)(4) en conjonction avec les articles 106 (4) et (5) de la Constitution, un ministre doit être digne de confiance, soumis à un examen minutieux dans tous les domaines et faire preuve d’une intégrité manifeste.

La Cour a conclu que les propos de la Première ministre dans l’enregistrement audio, en particulier ceux faisant référence au commandant de la deuxième région militaire et l’utilisation du terme « nous », suggéraient un manque d’unité entre le gouvernement et l’armée.

Les juges ont déclaré que ce comportement indiquait une partialité et révélait des divisions internes, ce qui risquait d’affaiblir la position de la Thaïlande et de permettre au Cambodge de s’ingérer dans ses affaires intérieures.

À la suite de la fuite de l’appel téléphonique, Mme Paetongtarn a présenté ses excuses et déclaré qu’elle essayait d’éviter une guerre.

Elle a déclaré lors d’une conférence de presse que pendant la conversation, elle avait l’intention d’adopter une approche douce pour traiter avec Hun Sen comme stratégie de négociation, afin de protéger la souveraineté de la Thaïlande.

Cependant, les plaignants ont estimé qu’elle n’avait pas agi correctement en sa qualité de Premier ministre.

Selon eux, ses propos sur ses relations personnelles et familiales avec Hun Sen donnaient l’impression qu’elle prenait le parti du Cambodge.

Elle a également décrit le commandant de la deuxième région militaire, connu pour son franc-parler, comme un adversaire, et a indiqué qu’elle était prête à répondre aux demandes du Cambodge, ont déclaré les sénateurs.

Cet appel téléphonique controversé a été passé à un moment où la Thaïlande restreignait les passages frontaliers avec le Cambodge après une escarmouche dans une zone contestée à Ubon Ratchathani fin mai, qui faisait suite à des incursions cambodgiennes commencées en avril.

Certains observateurs estiment que Hun Sen, en dévoilant l’appel, cherchait à faire tomber le gouvernement Pheu Thai.

Objectif : mettre fin au projet de légalisation des casinos en Thaïlande, perçu comme une menace pour les établissements cambodgiens, ou freiner la lutte contre les centres d’appels.

Voir : Les racines du conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge

Escalade du conflit entre la Thaïlande et le Cambodge

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La 1ère division des forces spéciales mène un entraînement le 5 juin 2025 afin de se préparer à soutenir la mission de l’armée thaïlandaise dans l’est du pays, où un conflit frontalier avec le Cambodge est en cours.

Début juin, la Thaïlande a réduit les heures d’ouverture de la frontière et interdit à certains groupes de la traverser, tandis que le Cambodge continuait d’accuser la Thaïlande d’envahir son territoire et d’ouvrir le feu sur ses soldats.

Phnom Penh a ensuite déclaré son intention de porter les questions frontalières devant la Cour internationale de Justice (CIJ), ce à quoi la Thaïlande s’est opposée.

Le Cambodge a porté ses revendications devant la CIJ le 15 juin, le jour même de l’appel téléphonique de Mme Paetongtarn, au cours duquel Hun Sen a réitéré sa demande de levée des restrictions de passage à la frontière.

En conséquence, la Cour a statué que le statut ministériel de Mme Paetongtarn avait pris fin le 1ᵉʳ juillet, date à laquelle elle a reçu l’ordre de cesser d’exercer ses fonctions.

Élection d’un nouveau Premier ministre

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Résultats des dernières élections en Thaïlande, en août 2024.

La décision impose également la dissolution de l’ensemble du cabinet.

Ce verdict ouvre la voie à l’élection d’un nouveau Premier ministre par le Parlement.

Un processus qui pourrait s’avérer long, le parti Pheu Thai de Mme Paetongtarn ayant perdu son pouvoir de négociation et devant relever le défi de consolider une alliance fragile avec une majorité très faible.

Cette décision met prématurément fin au mandat de la fille et protégée du magnat influent Thaksin Shinawatra.

Mme Paetongtarn, 39 ans, était une novice en politique lorsqu’elle a été propulsée sous les feux de la rampe après la destitution surprise de son prédécesseur Srettha Thavisin par la même cour il y a un an.

Elle est la cinquième Première ministre en 17 ans à être destituée par la Cour constitutionnelle.

Cela souligne le rôle central de cette dernière dans la lutte de pouvoir acharnée qui oppose les gouvernements élus du clan Shinawatra et un réseau de conservateurs puissants et de généraux royalistes à l’influence considérable.

Incertitude pour l’avenir

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Chaikasem Nitisiri, seul candidat du parti Pheu Thai à pouvoir devenir Premier ministre.

L’attention se portera désormais sur la question de savoir qui remplacera Mme Paetongtarn, Thaksin devant être au centre d’une série de négociations entre les partis et autres acteurs influents afin de tenter de maintenir le Pheu Thai à la tête de la coalition.

Le vice-Premier ministre Phumtham Wechayachai et l’actuel cabinet assureront l’intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau Premier ministre par la Chambre, sans limite de temps pour cette élection.

Cinq personnes sont éligibles au poste de Premier ministre, dont une seule issue du Pheu Thai, Chaikasem Nitisiri, 77 ans, ancien procureur général avec une expérience limitée au sein du cabinet, qui a toujours mené une vie politique discrète.

Parmi les autres candidats figure l’ancien Premier ministre Prayut Chan-o-cha qui s’est retiré de la vie politique, mais reste connu pour avoir mené le coup d’État militaire contre le dernier gouvernement Pheu Thai en 2014.

Un autre prétendant est Anutin Charnvirakul, ancien vice-Premier ministre.

Il a retiré son parti de la coalition de Paetongtarn à la suite de la fuite de l’appel téléphonique controversé.

Cette décision plonge la Thaïlande dans une incertitude politique accrue, à un moment où le public est en proie à une inquiétude grandissante face à l’enlisement des réformes et à une économie chancelante.

Selon les prévisions de la Banque de Thaïlande (BoT), l’économie ne devrait croître que de 2,3 % cette année.

Tout gouvernement Pheu Thai serait une coalition susceptible de ne disposer que d’une faible majorité et pourrait être confronté à de fréquentes contestations parlementaires de la part d’une opposition bénéficiant d’un large soutien public.

« La nomination d’un nouveau Premier ministre […] sera difficile et pourrait prendre beaucoup de temps », a déclaré Stithorn Thananithichot, politologue à l’université Chulalongkorn.

« Il n’est pas facile pour tous les partis d’aligner leurs intérêts », a-t-il ajouté.

« Le Pheu Thai sera désavantagé. »

Mais un accord politique inattendu est venu rebattre les cartes.

Le Parti Bhumjaithai et le Parti populaire s’allient pour former un nouveau gouvernement

Thaïlande : la Première ministre destituée, une alliance surprise relance le jeu

Anutin Charnvirakul, le chef du parti Bhumjaithai.

Le paysage politique thaïlandais a connu un bouleversement majeur après l’annonce par le Parti Bhumjaithai d’un accord avec le principal parti d’opposition, le Parti populaire, en vue de former un nouveau gouvernement.

Cet accord constitue une solution pragmatique à la crise politique actuelle et pourrait ouvrir la voie à des élections générales anticipées.

Dans un communiqué publié vendredi soir, le Bhumjaithai a confirmé que son comité exécutif avait autorisé le chef du parti, Anutin Charnvirakul, à former une nouvelle coalition avec le soutien du Parti populaire, qui détient le plus grand nombre de sièges à la Chambre des représentants.

Le communiqué reconnaît que, selon la convention politique, c’est le Parti populaire qui devrait diriger le nouveau gouvernement.

Toutefois, il souligne qu’en raison de restrictions juridiques, le parti ne peut nommer l’un de ses membres au poste de Premier ministre.

En conséquence, le Bhumjaithai est intervenu pour combler le vide, acceptant les demandes du Parti populaire dans un accord signé.

Une fois formé, le nouveau gouvernement est décrit comme une administration à court terme chargée de traiter les questions urgentes en matière de sécurité nationale, d’économie et de société.

L’accord repose essentiellement sur un engagement clair en faveur d’une réforme constitutionnelle et d’un retour aux urnes.

Le Bhumjaithai a accepté les trois conditions suivantes :

  1. Le nouveau Premier ministre doit dissoudre la Chambre des représentants dans les quatre mois suivant la présentation de la déclaration de politique générale au Parlement.
  2. Le nouveau cabinet doit organiser un référendum sur la modification de la constitution de 2017 afin de permettre la rédaction d’une nouvelle charte par une Assemblée constituante élue au suffrage direct.
  3. Le Parti populaire restera dans l’opposition et n’acceptera aucun poste ministériel, s’engageant à examiner de près les actions du nouveau gouvernement.

Cette annonce a été faite après la rencontre entre Anutin et le leader du Parti populaire, Natthapong Ruangpanyawut, et sa délégation au siège du parti.

S’adressant aux journalistes après la réunion, Anutin a confirmé que toutes les conditions avaient été acceptées sans réserve.

Il a déclaré qu’il allait désormais consulter les autres partis afin d’obtenir le soutien nécessaire à la formation du nouveau gouvernement.

Cette manœuvre politique n’a pas échappé à l’attention du public, des manifestants s’étant rassemblés devant le siège du Parti populaire pour scander des slogans.

Ils ont appelé le nouveau gouvernement à tenir ses promesses de dissoudre le Parlement et d’adopter une nouvelle constitution, en demandant aux politiciens de rendre des comptes sur leurs engagements.

La Thaïlande entre désormais dans une période de transition fragile, suspendue à la capacité de la nouvelle coalition à tenir ses promesses de réformes et de retour aux urnes.


Source : Bangkok Post, The Nation Thailand

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4 commentaires

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Philippe 30 août 2025 - 9 h 46 min

Si Anutin devient Premier ministre, comme je le prévoyais, il va aussi y avoir du changement au niveau des lois sur le cannabis.

Nouveau changement en vue !

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spartacus974 30 août 2025 - 12 h 53 min

Hun Sen réussit le strike du siècle en obtenant la destitution de la fille Thaksin.

Il est évident que papa Thaksin a fait un enfant dans le dos à Hun Sen et qu’il a entrainé son ex-partenaire à se venger.

Il faut chercher sur l’affaire des casinos et toutes les magouilles que ces 2 « parrains » avaient mis en place pour se faire beaucoup d’argent.

Les centres d’appel rapportaient beaucoup et avaient besoin de lessiveuses (les casinos) pour blanchir tous ces fonds illégaux.

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pier 1 septembre 2025 - 13 h 49 min

2 clans qui n’en ont jamais assez…

Il y a aussi d’autres clans.

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HANSSON 30 août 2025 - 13 h 49 min

Bon, ben voilà… le sort en est jeté : la fille de Thaksin, ex-PM mise définitivement hors course pour briguer quelque poste politique influent à l’avenir, et à terme, une nouvelle campagne électorale et de nouvelles élections qui devraient avoir lieu dans le courant du premier trimestre de l’année 2026.

Tout le reste, pour les 4 prochains mois, n’est que de la cuisine intérieure thaïlandaise que seuls les thaïlandais(e)s ont la capacité de gérer en interne de manière plus ou moins occulte et surtout d’accepter tant bien que mal les manœuvres politiques et les nombreuses promesses non tenues qui fleurissent à chaque campagne électorale législative…

La population va-t-elle à nouveau s’enflammer pour un nouveau leader d’une formation qui, tel un Phoenix, renaitrait des cendres encore chaudes de partis anciennement exclus, dont les leaders, issus d’une jeunesse dorée et d’une élite universitaire sont régulièrement malmenés et évincés du pouvoir, interdits d’exercer quelque fonction politique que ce soit, dès qu’ils deviennent trop populaires et constituent un danger pour les puissants partis conservateurs, liés de près ou de loin aux généraux de l’Armée, à la haute bourgeoisie élitiste et au Palais Royal ?

C’est une possibilité, la véritable question qui se pose après les échecs répétés de ces tentatives avortées de rompre avec la nomenklatura thaïlandaise étant de trouver un leader et une structure de parti « vierge » de toute trace d’un passé douteux pour échapper à toute nouvelle tentative d’inéligibilité lors du verdict des urnes.

Mais on peut compter sur la corruption de la classe politique existante pour arriver à tout prix à éviter des situations à la « Thanathorn » ou à la « Pita » dont le parti était sorti vainqueur des dernières élections en mai 2023 et aurait pu prétendre au poste de PM en toute logique démocratique.

Cette logique, bafouée à l’heure actuelle et déjà depuis plusieurs années, dans certains pays européens qualifiés de « démocratiques »…

Il y a loin de la coupe aux lèvres, et le breuvage thaïlandais est souvent plus proche de l’arsenic que d’un premier grand cru bourguignon !

On est donc reparti pour quelques mois de grand flottement, avec un gouvernement de transition en affaires courantes, en place pour préparer les statuts des prochaines élections, avec la perspective quand même importante d’un changement constitutionnel d’envergure…

Une promesse de plus ou véritable volonté d’action pour un changement de visage et d’orientation politique du pays ?

Réponse dans quelques mois, mais la population, à force d’être abusée et déçue par ses leaders qui se partagent le pouvoir à coups de « Je t’aime… moi non plus », y croit-elle encore ???

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