Tourisme en déclin : la Thaïlande face à une année 2025 incertaine

L’année 2025 devait être la grande année du tourisme et des sports, mais la Thaïlande pourrait accueillir encore moins de visiteurs qu’en 2024.

Voir : La Thaïlande prévoit une année 2025 grandiose pour les voyages

L’industrie du tourisme thaïlandais a enregistré des résultats décevants au cours des quatre premiers mois de l’année 2025.

Le marché international a reculé de 0,2 % en glissement annuel.

En réponse, le gouvernement a approuvé la semaine dernière une série de mesures visant à rassurer le secteur quant à sa volonté de le sortir de la crise.

Alors que l’Autorité du tourisme de Thaïlande (TAT) s’apprête à revoir à la baisse ses prévisions d’arrivées de touristes étrangers pour cette année, tout en maintenant son objectif de croissance des recettes, des défis importants restent à relever.

Bon nombre de ces obstacles ne peuvent être surmontés par des efforts de marketing seuls, mais nécessitent la coopération et l’engagement de plusieurs ministères pour atteindre les objectifs souhaités, notamment en rassurant les touristes potentiels sur les mesures de sécurité.

Les touristes chinois continuent de voyager, mais plus en Thaïlande

Les touristes chinoises portaient souvent des uniformes scolaires thaïlandais lors de leurs voyages. Photo de 2024 : Apichart Jinakul/Bangkok Post

L’économie a généralement un impact sur les flux touristiques en provenance de Chine.

Cependant, l’année dernière a été différente, le nombre de Chinois voyageant à l’étranger ayant bondi à 146 millions malgré une économie morose.

Le marché chinois du tourisme à l’étranger devrait atteindre 155 millions de voyageurs cette année, soit le même niveau qu’en 2019.

Les opérateurs touristiques thaïlandais ont pris note de ces chiffres, qui confirment que les Chinois ont toujours une forte demande pour les voyages internationaux, mais qu’ils regardent au-delà de la Thaïlande.

Dithanop Vattanawakin, analyste chez Krungsri Securities (KSS), a déclaré que si les touristes chinois à l’étranger ont augmenté, leur arrivée en Thaïlande est en chute libre.

Entre le 30 avril et le 6 mai, les liaisons aériennes chinoises vers l’étranger ont bondi de 16 % en glissement annuel, avec une forte croissance des vols entre la Chine et le Japon (en hausse de 43 % en glissement annuel) et la Corée du Sud (en hausse de 28 %).

Toutefois, les liaisons aériennes entre la Chine et la Thaïlande ont reculé de 25 % en glissement annuel, marquant ainsi leur 13ᵉ semaine consécutive de baisse.

Chai Iamsiri, directeur général de Thai Airways International (THAI), a déclaré que le trafic aérien avait retrouvé son niveau d’avant la pandémie dans la plupart des régions, à l’exception de l’Asie-Pacifique.

« Au départ, nous avons considéré cette croissance comme une demande refoulée due à la pandémie, mais elle s’est avérée permanente », a déclaré M. Chai.

La principale raison pour laquelle l’Asie-Pacifique est à la traîne par rapport aux autres régions en termes de trafic aérien est la Chine.

« La Chine connaît une reprise plus lente que prévu, car elle peine à relancer son économie nationale », a-t-il déclaré au Bangkok Post.

La compagnie aérienne nationale prévoit que le trafic aérien en Asie-Pacifique pourra revenir à son niveau d’avant la pandémie l’année prochaine, a déclaré M. Chai.

THAI dessert cinq villes chinoises avec cinq vols quotidiens.

La compagnie aérienne a réduit ses vols vers la Chine à 35 par semaine, ce qui est nettement inférieur aux 80 vols hebdomadaires d’avant la pandémie.

Le Japon et la Corée du Sud sont désormais les principales sources de revenus de la compagnie aérienne en Asie du Nord, remplaçant la Chine, qui est moins encline à voyager à l’étranger.

« À notre connaissance, le gouvernement chinois n’a pas encore encouragé ses citoyens à voyager à l’étranger, se concentrant plutôt sur les voyages intérieurs », a-t-il déclaré.

Tassapon Bijleveld, président exécutif d’Asia Aviation, l’actionnaire majoritaire de Thai AirAsia, a déclaré que le ralentissement du marché chinois n’était pas uniquement dû à une baisse de la confiance en la sécurité.

Voir : Thaïlande : annulations ou voyage la peur au ventre pour les touristes chinois

Il a ajouté que les incertitudes économiques exacerbées par les hausses des droits de douane américains ont également joué un rôle important, laissant entendre que la reprise de ce marché prendrait beaucoup de temps.

M. Tassapon a déclaré que les perspectives générales pour les deuxième et troisième trimestres sont particulièrement inquiétantes si aucune mesure attractive n’est mise en place pour relancer les marchés internationaux et leurs dépenses.

Il a exhorté le gouvernement à mettre rapidement en œuvre des initiatives qui encouragent directement les touristes étrangers à visiter et à dépenser en Thaïlande, telles qu’une grande braderie nationale impliquant les hôtels, les hébergements et les magasins de détail.

Le gouvernement devrait également subventionner les opérateurs touristiques afin qu’ils puissent offrir des prix réduits aux visiteurs grâce à ces fonds, a déclaré M. Tassapon.

« Bien qu’il génère des milliers de milliards de bahts pour le pays, le ministère du Tourisme et des Sports dispose généralement d’un budget annuel inférieur à 10 milliards de bahts.

Avec le déclin de l’industrie, il est temps d’investir dans ce moteur économique essentiel », a-t-il déclaré.

Les chinois ont un sentiment très négatif de la Thaïlande

L’acteur chinois Wang Xing dans une voiture avec des policiers qui le ramènent de Birmanie vers la province de Tak, en Thaïlande après son enlèvement, le mardi 7 janvier 2025. Cette affaire a gravement entaché l’image de la Thaïlande pour les touristes chinois. Photo de la police thaïlandaise

Pattaraanong Na Chiangmai, vice-gouverneur chargé du marketing international pour l’Asie et le Pacifique Sud à la TAT, a déclaré que l’agence venait de terminer une tournée de promotion dans trois villes chinoises :

Xiamen, Wuhan et Chengdu.

Le marché chinois a légèrement augmenté pendant les vacances de la fête du Travail au début du mois, mais elle a déclaré que le marché de l’Asie de l’Est, y compris le Japon, pourrait ne pas se redresser avant les vacances scolaires de juillet et août.

Alors que le marché chinois a chuté de 30 % au cours des quatre premiers mois, Mme Pattaraanong a déclaré que cinq bureaux de la TAT en Chine ont fait état d’un sentiment toujours très négatif à l’égard de la Thaïlande.

Ils sont dus aux questions de sécurité, qui nécessitent des initiatives entre les deux gouvernements pour être résolues.

Dans le pire des cas, le marché chinois pourrait chuter à 4 millions de visiteurs cette année, générant 240 milliards de bahts, soit moins de la moitié des recettes enregistrées en 2019, a-t-elle déclaré.

Si les mesures de relance prévues pour les prochains mois s’avèrent efficaces, la Thaïlande pourrait gagner 370 milliards de bahts grâce à 6,2 millions de touristes chinois, selon la TAT.

Des pays cibles devenus des concurrents

Touristes dans une rue d’Osaka au Japon. Photo : Nikada

Un autre défi cette année est la concurrence intense au sein de l’Asie.

Les marchés clés qui généraient autrefois des revenus importants pour la Thaïlande, tels que la Chine, le Japon et le Vietnam, sont désormais considérés comme des rivaux majeurs en termes de revenus.

En 2024, le Japon a accueilli 6,9 millions de touristes chinois, dépassant la Thaïlande, qui a terminé l’année avec 6,7 millions.

Voir : Le Japon détrône la Thaïlande comme destination préférée des Chinois

Au premier trimestre de cette année, le Vietnam a devancé la Thaïlande en tant que destination la plus visitée par les touristes chinois, avec 1,5 million de visiteurs, soit près de la moitié des 3,7 millions qu’il a accueillis en 2024.

Voir : Tourisme, économie : le Vietnam en passe de dépasser la Thaïlande

La Chine promeut activement le tourisme, en offrant à la fois un transit sans visa de 240 heures et une augmentation des remboursements de taxes à 13 % pour les touristes étrangers.

« Le marché chinois représentait auparavant 25 % des arrivées étrangères.

Cette année, sa part pourrait diminuer à 17 %, mais il reste un marché important pour nous », a déclaré Mme Pattaraanong.

La Thaïlande doit faire face à la réalité

Arrivées de voyageurs à l’aéroport de Suvarnabhumi. Photo : Wichan Charoenkiatpakul

Thanet Supornsahasrungsi, président de l’Association de la Fédération du tourisme de Chonburi, a déclaré :

« Le nombre d’arrivées étrangères ne devrait pas atteindre les objectifs fixés par l’État, soit 36,5 à 38,5 millions cette année, à moins que des mesures claires ne soient prises pour garantir la sécurité des touristes et qu’un plan de relance ne soit mis en œuvre. »

L’association fait partie de la Fédération des associations touristiques thaïlandaises (Fetta).

L’un des membres de la Fetta, l’Association des agents de voyage thaïlandais, a soumis une proposition au ministère du Tourisme et des Sports :

Il encourage le gouvernement à organiser un voyage de familiarisation pour les agents de voyage et les médias chinois, ainsi qu’à allouer des subventions pour 1 000 vols charters au départ de villes chinoises de deuxième rang dès que possible.

M. Thanet a déclaré que le gouvernement devrait veiller à ce que les incitations offertes pour les vols charters soient suffisamment attractives pour que les agents de voyage chinois privilégient la Thaïlande par rapport à d’autres destinations.

Thanet estime que le rétablissement du flux touristique est une stratégie plus cruciale que les dépenses consacrées à des événements et activités ponctuels.

Si cette mesure s’avère efficace, il a déclaré que le gouvernement devrait l’appliquer à d’autres marchés qui se tournent vers le Vietnam, tels que la Corée du Sud et la Russie.

M. Thanet a insisté sur le fait que le marché chinois reste crucial pour l’industrie touristique thaïlandaise, en particulier pour les hôtels trois et quatre étoiles situés en dehors des zones prisées qui dépendent encore des réservations des groupes touristiques.

Pour compenser le ralentissement du marché chinois, de nombreux hôtels se sont tournés vers d’autres marchés potentiels, tels que l’Europe et l’Inde, a-t-il déclaré.

Ils se sont disputé ces marchés en proposant des prix très réduits afin d’augmenter leur taux d’occupation pendant la basse saison, notamment lors de la récente campagne de promotion « Hotel x Attraction meet Indian DMC 2025 » organisée par l’association.

M. Thanet a déclaré que lors de cette campagne, un hôtel familial à thème avait vendu ses chambres à environ 5 500 bahts (148 euros) par nuit, dîner compris, alors que le prix habituel pour ce type de produit est de 8 000 à 10 000 bahts (215 à 269 euros).

Les préoccupations en matière de sécurité concernant la Thaïlande ne se limitent pas au marché chinois : certains agents de voyage indiens ont exprimé des inquiétudes similaires.

Il a déclaré que le gouvernement devrait augmenter le volume du marché indien, qui présente un fort potentiel en raison de sa population importante, et encourager les touristes malaisiens à voyager vers d’autres destinations au-delà du sud profond.

« Renforcer le tourisme ne se résume pas à des campagnes de marketing et de stimulation.

Nous avons besoin de mesures de sécurité pour regagner la confiance des touristes », a déclaré M. Thanet.

Alors que le gouvernement affirme que la nouvelle carte d’arrivée numérique thaïlandaise (TDAC) contribuera à améliorer le contrôle de la criminalité transnationale, il estime que cette mesure ne résout que partiellement le problème.

En effet, elle comporte une lacune concernant la déclaration des informations touristiques pour les personnes séjournant dans des hébergements non agréés.

La Thaïlande face à de nouvelles préoccupations

Le président américain Donald Trump a dévoilé une série de droits de douane imposés à ses partenaires et adversaires commerciaux. Photo : Carlos Barria

Si la croissance du tourisme continue de s’essouffler tout au long de l’année, les décideurs politiques devraient s’inquiéter.

La Thaïlande lutte en effet pour éviter une récession économique, notamment face à l’impact imminent de la politique tarifaire réciproque de Washington, selon la Fédération des industries thaïlandaises (FTI).

Voir : Droits de douane US : la Thaïlande forcée de négocier pour éviter une crise

Le président de la FTI, Kriengkrai Thiennukul, a récemment fait part de cette préoccupation lors d’une réunion du Comité mixte permanent sur le commerce, l’industrie et la banque (JSCCIB) consacrée à la baisse du nombre de touristes étrangers.

« Les touristes chinois devaient stimuler le secteur du tourisme, mais leur nombre a chuté au cours des quatre premiers mois de cette année », a déclaré M. Kriengkrai, qui a présidé la réunion du JSCCIB le 7 mai.

Le groupe a reconnu que plusieurs facteurs expliquaient cette baisse, notamment les inquiétudes concernant la sécurité des voyages en Thaïlande.

L’économie thaïlandaise dépend des revenus générés par les touristes étrangers, en plus des exportations et des investissements directs étrangers.

Les perspectives pour les exportations ne sont pas bonnes, car Washington prévoit d’imposer des droits de douane de 36 % sur les importations thaïlandaises.

Selon la JSCCIB, de nombreux secteurs vendant des produits et services liés au tourisme souhaitent que la Thaïlande conserve son attractivité afin d’attirer les touristes étrangers et de relancer les revenus.

Surapong Paisitpatanapong, vice-président de la FTI et porte-parole de son club de l’industrie automobile, a déclaré :

« La baisse du nombre de touristes étrangers, en particulier en provenance de Chine, est l’un des facteurs qui pourraient entraîner une baisse de la production de motos. »

Les touristes étrangers et la production de motos sont liés, car les activités touristiques stimulent la production de motos, certains touristes aimant faire de la moto lorsqu’ils visitent le pays, a fait remarquer le club.

M. Surapong a ajouté que la conjoncture économique, notamment l’impact des droits de douane américains, pourrait entraîner une contraction de la production thaïlandaise de motos cette année.

Le club envisage de revoir à la baisse ses prévisions de production pour 2025, qui tablent actuellement sur une croissance de 0,1 % en glissement annuel et 2,1 millions d’unités.

La Thaïlande doit viser la qualité plutôt que la quantité

Touristes dans le Grand Palais à Bangkok.

Panit Kannasut, propriétaire du restaurant Krua Kun Kung, situé près du Grand Palais à Bangkok, a déclaré que le nombre de touristes chinois n’était pas encore revenu au niveau d’avant la pandémie.

En mai 2024, les clients thaïlandais représentaient environ 70 % de la clientèle du restaurant, le reste étant des étrangers.

Parmi les clients internationaux, 60 % viennent de Chine, 30 % d’autres pays asiatiques et 10 % d’Europe.

Elle précise qu’en mai, il y a généralement moins de clients européens, mais quelques voyageurs chinois et asiatiques en raison des vacances scolaires.

Cependant, cette année, Mme Panit a constaté une baisse de la clientèle thaïlandaise et chinoise.

« Depuis la mi-mars, j’ai observé une baisse d’environ 20 % de mon chiffre d’affaires, tous clients confondus.

Je n’ai jamais vu cela auparavant », a-t-elle déclaré.

Les Thaïlandais sont moins nombreux à fréquenter le restaurant et ceux qui viennent dépensent moins.

Cela indique que les clients thaïlandais sont plus prudents dans leurs dépenses, a déclaré Mme Panit.

Elle a émis l’hypothèse que la baisse du nombre de touristes chinois pourrait être liée à l’enlèvement d’un acteur chinois au début de l’année, au tremblement de terre de fin mars et au ralentissement de l’économie chinoise.

« Environ 5 à 10 % de nos clients sont chinois, et certains d’entre eux sont peut-être des expatriés vivant en Thaïlande », a déclaré Mme Panit.

Elle a ajouté que les vacanciers européens pourraient également être touchés par le ralentissement économique.

Ces difficultés ont incité les restaurateurs à réduire leurs coûts et à rechercher de nouveaux clients, tels que les groupes touristiques.

Mme Panit a encouragé le gouvernement à trouver de nouveaux marchés, tels que l’Asie du Sud-Est, car les habitants de ces pays partagent une culture culinaire et ont des habitudes de consommation comparables à celles des Thaïlandais.

« Il faut désormais privilégier la qualité des touristes étrangers plutôt que la quantité.

Il est essentiel de trouver des clients prêts à dépenser plus.

Comme la haute saison approche et que le nombre de touristes étrangers pourrait être en baisse, le gouvernement devrait promouvoir le tourisme avant cette période, en particulier lorsque les voyageurs commencent à planifier leurs voyages de fin d’année. »

Le nombre de visiteurs étrangers revu à la baisse

Touristes sur une pirogue à Phuket. Photo : NBT World

Parin Kitchatornpitak, analyste chez KGI Securities (Thaïlande), a déclaré que la société de courtage avait revu à la baisse ses prévisions concernant le nombre de visiteurs étrangers pour cette année.

Il a été ramené de 38 millions à 36,5 millions en raison d’une reprise plus lente que prévu du marché chinois.

KSS prévoit également que les arrivées de touristes chinois resteront faibles cette année, ne représentant que 43 % des niveaux d’avant la pandémie et 13 % du total des arrivées en 2025.

« Si cette tendance se poursuit, nous estimons que le nombre total d’arrivées étrangères cette année pourrait tomber à 35,4 millions, soit une baisse de 1 % par rapport à 2024 », a déclaré Sirilak Konwa, analyste chez KSS.

Maybank Securities (Thaïlande) a également revu à la baisse ses estimations concernant les arrivées de touristes, passant de 40,5 millions à 37,5 millions cette année.

Sur ce total, 6,5 millions proviennent de Chine.

BofA Securities a de nouveau revu à la baisse ses prévisions concernant les arrivées étrangères, passant de 37,2 millions à 36,2 millions.

Voir aussi :

Tourisme chinois en chute : la Thaïlande lance un plan de relance

Le charme touristique de la Thaïlande s’essouffle… et ça inquiète

Tourisme en crise : la Thaïlande répond aux critiques des voyageurs étrangers

Pourquoi la Thaïlande déçoit de plus en plus de touristes ?

Source : Bangkok Post