L’industrie florissante du cannabis en Thaïlande est mise à mal par la remise en cause de la dépénalisation par les prochains responsables politiques.
Les élections générales du 14 mai ont vu la victoire de deux grands partis qui veulent changer les lois sur le cannabis.
L’un des points d’un protocole d’accord signé par huit partis potentiels en vue de former un gouvernement de coalition propose de rétablir la plante comme stupéfiant sous la juridiction du ministère de la Santé publique.
Il prévoit aussi d’adopter de nouvelles lois soutenant uniquement certaines utilisations bénéfiques tout en réglementant toutes les autres utilisations, la culture, l’importation et l’exportation de la plante.
Voir : L’industrie du cannabis de Thaïlande va-t-elle partir en fumée ?
Sur la chaîne thaïlandaise Ganja TV, les amateurs de cannabis ont suivi le parcours rapide de cette drogue, qui est passée du statut de stupéfiant interdit à celui de plante légale à usage médical, puis à celui de drogue récréative.
Aujourd’hui, un an après la dépénalisation du cannabis en Thaïlande, les quelque 90 000 adeptes de la page Facebook observent avec perplexité les politiciens rivaux qui menacent de rendre à nouveau illégaux les dispensaires et la consommation libre, ou du moins de les soumettre à un contrôle rigoureux.
Au centre de l’attention se trouve Pita Limjaroenrat, le probale futur Premier ministre dont le parti Move Forward (MPF) a remporté la victoire en arrivant en tête des élections générales du mois dernier.
Alors que le MPF est largement considéré comme le plus libéral des partis politiques thaïlandais, les défenseurs du cannabis affirment qu’il est à la tête d’une campagne visant à restreindre l’usage récréatif, ce qui jette une ombre sur l’industrie du cannabis, qui pèse plusieurs milliards de dollars dans le pays.
« Qu’est-ce qui vous a fait changer à ce point ? »
Ganja TV a récemment publié un message accompagnant une vidéo du leader du MFP saluant le potentiel des entreprises de cannabis pour financer les écoles et offrir d' »immenses opportunités » à la Thaïlande.
M. Pita estime désormais que le boom du cannabis devrait être mis en veilleuse afin de freiner la consommation récréative généralisée jusqu’à ce que le nouveau gouvernement puisse adopter une proposition de loi sur le cannabis visant à définir clairement les lieux où la drogue peut être vendue et consommée.
Pita Limjaroenrat et Chuwit Kamolvisit, un ardent militant contre la légalisation du cannabis. Photo : Ganja TV
Voir : Un ancien titan de l’industrie du sexe devient un héros anticorruption en Thaïlande
Cela rejoint les vues de l’alliance de Pita, composée de huit partis, dont certains proviennent des provinces conservatrices du sud de la Thaïlande, à majorité musulmane, qui tentent de former un gouvernement dans les semaines à venir.
Pour former une coalition au pouvoir, avec Pita comme Premier ministre, ils doivent obtenir 376 sièges pour avoir la majorité parlementaire.
Actuellement, ils en ont 313.
Voir : Pita toujours dans l’incertitude de pouvoir briguer le poste de Premier ministre de Thaïlande
La position de l’alliance sur le cannabis a suscité la colère du ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul, qui a poussé à la libéralisation et refuse de soutenir tout gouvernement cherchant à revenir sur les lois, même temporairement.
Le parti Bhumjaithai d’Anutin détient 71 sièges, ce qui lui confère un statut de faiseur de roi potentiel pour décider de la composition du prochain gouvernement.
Alors que les politiciens se chamaillent, les défenseurs du cannabis sont de plus en plus contrariés par les nuages qui s’amoncellent au-dessus de leur industrie.
« J’ai lancé cette chaîne (Ganja TV) en 2019, dans l’espoir d’être une plateforme médiatique pour éduquer les gens sur les avantages de la marijuana médicale », a déclaré K Lert, le rédacteur en chef de Ganja TV, à Al Jazeera.
« Maintenant, tout le monde s’inquiète de l’exposition des enfants au cannabis, alors qu’ils n’ont pas adopté la loi sur le cannabis pour empêcher que cela ne se produise.
Cela n’a aucun sens. »
Pour les investisseurs, l’incertitude juridique a sapé la confiance dans un secteur qui a prospéré dans l’année qui a suivi la dépénalisation.
« Lorsque nous n’avons pas de loi pour la réglementer, elle commence à être salie et entachée par des propriétaires d’entreprises peu scrupuleux qui vendent aux enfants et par des gens qui sortent simplement un bang et fument dans la rue comme s’ils étaient au Canada », a déclaré M. Kobboon au journal Al Jazeera.
« Tout cela est encore nouveau pour la société thaïlandaise. »
Revenant sur l’expérience de la décriminalisation en Thaïlande, qui a duré un an, Kobboon a déclaré qu’il pensait que Pita voulait réinitialiser la scène du cannabis pour la sécurité et l’intérêt économique des Thaïlandais.
« La ganja est une belle création, qui ne sert pas uniquement à s’enrichir », a-t-il déclaré.
Source : Aljazeera
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1 commentaire
Comme bien souvent, la situation actuelle (avec les excès décrits dans l’article ainsi que d’autres plus occultes et discrets) engendrée par la libéralisation du cannabis, est la conséquence d’une mauvaise loi, mal ficelée, qui n’a pas fait l’objet, avant sa rédaction, d’une étude sérieuse et d’une analyse experte sur tous les aspects et les conséquences de son application.
Conclusion, les Thaïlandais qui ont vu, à travers les lacunes de cette loi, la possibilité de rentabiliser la culture, la transformation et l’exploitation de ce qui était auparavant une drogue qui pouvait envoyer un dealer en prison pour plusieurs dizaines d’années, et qui est devenue, du jour au lendemain une plante disponible légalement, au même titre que le tabac, le thé ou le café !!!
Certains parleront d’incompétence chronique de la part des responsables politiques qui ont « pondu » cette loi en quelques semaines ou quelques mois tout au plus, alors que chez nous, en Europe, l’application d’une loi doit passer par maints et maints pare-feu et contrôles, dont des commissions d’experts, des conseils de juristes spécialisés, des analyses minutieuses des textes par des audits constitutionnels, etc etc….
Ce qui prend évidemment du temps et explique pourquoi en France et dans d’autres pays européens, une loi met facilement entre 6 mois et un an, parfois davantage, pour passer de l’état de projet à sa mise en application effective avec sa publication dans le journal officiel d’Etat.
En Thaïlande, rien de tout cela, d’où les dérives, les « trous » législatifs, tel un gruyère dans lequel des souris malveillantes y installent confortablement leur demeure et font prospérer leur petite famille…
Que Mr Anutin, Ministre de la Santé et promoteur de cette libéralisation, s’il veut éviter que sa loi ne soit remise en cause par certains partis auparavant dans l’opposition mais qui pourraient bien se retrouver au pouvoir d’ici 2 mois, se mette au travail et ponde un nouveau texte cette fois complet et prenant en compte tous les aspects, positifs et négatifs de cette libéralisation et rende son texte de loi imperméable à toute manipulation et interprétation illégale pour la proposer à la future coalition (quand elle sera en place) pour éviter une suppression pure et simple de son « bébé » !
Pour terminer par une réflexion plus générale, je me surprends souvent à penser que les Thaïlandais, au vu de ces expériences de toute espèce, ne tirent pas les leçons de leurs erreurs et de les échecs pour ne plus les répéter dans le futur…
J’ai vaguement l’impression que ce n’est pas dans leurs habitudes de reconnaitre ces erreurs et surtout d’en tirer les conclusions pour ne plus refaire un « copier-coller » méthodologique lacunaire et peu glorieux…
Cà me fait penser à ma compagne thailandaise, qui, quand je lui explique (avec dessin à l’appui !) que lors d’un repiquage d’une plante venant d’un pot vers la pleine terre, il faut éviter de créer une « montagne » de terre autour de la tige de la plante, mais de créer au contraire un petit creux en cercle afin que l’eau que l’on verse s’écoule bien verticalement vers les racines et ne ruisselle pas au-delà pour se perdre loin de la plante, m’assure bien me comprendre en me disant « yes, I understand », mais qui le soir continuera à arroser ses petits monticules de terre, sans rien changer à ses habitudes…
En plus, le conseil vient d’un « farang »… alors !!!