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Comment la Thaïlande est devenue un pays producteur de café réputé

par Redaction Thaïlande
12 minutes à lire
Produit en Thaïlande, le café le plus cher du monde provient de crotte d'éléphant

Les efforts entrepris à Chiang Mai la capitale du Nord pour améliorer la qualité du café thaïlandais ont contribué à créer une culture du café qui s’est développée partout dans le pays.

Une industrie florissante

Cette nouvelle industrie florissante à contribuer à améliorer considérablement les moyens de subsistance de nombreux petits agriculteurs dont la plupart sont issus des minorités ethniques qui peuplent les régions montagneuses du Nord du pays.


Chiang Mai et le café forment un couple idéal : entourée de montagnes et de hauts plateaux, la région offre des terres et un climat idéale pour la culture de cette plante.

Carrefour commercial incontournable pour tout le Nord du pays, Chiang Mai est également l’endroit parfait pour stimuler de jeunes entrepreneurs qui se lancent dans le commerce et l’exportation de ce nouvel or noir.

Fuadi Pitsuwan est l’un d’entre eux.

Cofondateur de Beanspire Coffee – entreprise locale productrice et exportatrice de café haut de gamme – il estime que le plus compliqué pour les agriculteurs thaïlandais a été de se débarrasser de cette réputation de producteur de café bon marché et bas de gamme.

Il semble que le pari soit aujourd’hui gagné.

La Thaïlande compte aujourd’hui parmi les pays producteurs de café de très bonne qualité et jouit à présent d’une excellente réputation en ce qui concerne les cafés les plus réputés au monde.



Avec 30 000 tonnes produites en 2021, dont environ 60 % provenaient du nord du pays, la Thaïlande fait aujourd’hui partie des pays producteurs de premier plan.

Ce chiffre montre que la production a fortement augmentée ces dernières années.

On estime qu’à peu près la moitié de cette production est destinée à l’exportation.

Les droits de douane de 45 % sur les importations ont limité la concurrence dans les cafés thaïlandais, ce qui maintient les prix intérieurs à un niveau relativement élevé.

Comme tout voyageur qui a eu le loisir de visiter le pays aura pu aisément le constater, la culture thaïlandaise du café ne se limite pas à Chiang Mai.

La classe moyenne croissante du pays et les influences étrangères ont répandu la tendance sur tout le territoire.



Des cafés haut de gamme voient également le jour à Bangkok.

Partout le long des routes, on voit des échoppes qui annoncent pratiquement à chaque kilomètre des kafae sot (café frais).

Le Crappucino : luxe, volupté et crotte d’éléphant

Produit en Thaïlande, le café le plus cher du monde provient de crotte d'éléphant

Les grains de café sont récupérés dans la bouse des éléphants. Photo : Tnews

Dans le domaine de l’excellence, les cafés luxueux qui se sont ouverts à Chiang Mai sont très appréciés par les amateurs.

Le Baristro, situé sur les rives de la rivière Ping, dans un décor minimaliste et épuré ne propose que des cafés de très haute qualités dont raffolent les plus fins gourmets.


De son côté, l’entreprise Black Ivory Coffe Co propose à la vente les crus les plus rares et les plus exotiques, dont le fameux « Crappucino » qui est récolté dans les excréments d’éléphants de la province de Chiang Mai.

Ce n’est pas une plaisanterie, c’est même au contraire très sérieux.

Les grains de café utilisés pour sa fabrication avant la torréfaction sont récupérés dans des excréments d’éléphants ce qui explique leur rareté et justifie le prix très élevé.

Ce ne sont pas les premiers à utiliser cette technique particulière.

Un autre café renommé, le kopi luwak, est un café récolté dans les excréments d’une civette asiatique, le luwak (Paradoxurus hermaphroditus).

La civette consomme en effet les cerises du caféier, digérant leur pulpe, mais pas leur noyau, qui se retrouve dans ses excréments.

Dans le tube digestif du luwak, les sucs gastriques, composés d’enzymes qui divisent les chaînes de protéines en chaînes plus petites ou en acides aminés individuels, font subir une transformation bénéfique aux arômes des grains de café.

Ce café est produit essentiellement dans l’archipel indonésien, à Sumatra, Java, Bali, Sulawesi, aux Philippines et dans le Timor oriental.

En Thaïlande, Blake Dinkin, le fondateur de Black Ivory Coffe Co, affirme que son café est le plus cher du monde.

Il se vend à 50 dollars quand un café de qualité provenant des hauts plateaux s’échange à plus ou moins 2 dollars le paquet.

Le café provenant de « crotte » ou de « caca d’éléphant » a très rapidement trouvé son public.

Arrivé fraîchement sur le marché, il a rencontré un vif succès dans le secteur du café « très haut de gamme », particulièrement à l’étranger.

Black Ivory est d’ores et déjà exporté dans 30 pays à travers le monde.

M. Dinkin qui juge ce marché très porteur est aujourd’hui à la recherche d’un partenaire fiable pour investir le marché japonais.

Une industrie qui a bien résisté à la pandémie

Bien que le Covid ait porté un coup dur à toute l’économie du pays, cela n’a pas été trop préjudiciable à l’industrie du café thaïlandais.
S’il est vrai que quelques cafés ont bel et bien disparu ci et là, les échoppes qui se sont spécialisées dans ce commerce continuent de faire florès.
Comme le soulignait Pawin Chamniprasart, l’ancien gouverneur de la ville :

« Les amateurs de café de Chiang Mai peuvent se rendre dans un nouveau café tous les jours de l’année sans n’avoir jamais à revenir deux fois au même endroit ».

Rien qu’à Chiang Mai, on estime, en tenant compte de toutes les échoppes existantes qui peuvent aller de la simple charrette du marchand ambulant au café traditionnel ou les chaînes développées récemment comme Amazon, Wawee Coffee ou Doi Tung Coffee, sans oublier Starbucks – qui achèterait en partie son café à des producteurs locaux – qu’il y aurait plus de 1000 cafés ouverts dans la ville.

Quand même l’université s’en mêle

Produit en Thaïlande, le café le plus cher du monde provient de crotte d’éléphant

Lanna Thai Coffee hub

Forte de ce nouvel essor et consciente des enjeux économiques mis en jeu, Chiang Mai abrite également des groupes de recherche qui œuvrent à la promotion de ce secteur prometteur.

Le Lanna Thai Coffee Hub et le Lanna Thai Coffee Development Center sont tous les deux basés à l’université de Chiang Mai.

Ces deux centres d’étude cherchent des solutions et des moyens de lutte pour faire face à la menace que représentent pour les cultures la détérioration du climat causée par le réchauffement climatique.

La saison de récolte 2021-22 a été marquée par de fortes précipitations qui ont entraîné des baisses de rendement de plus de 50 % dans certaines exploitations.

On constate également des maladies plus fréquentes dans les cultures liées à ces conditions difficiles.

« Il est essentiel de trouver un moyen d’assurer la résilience climatique des exploitations de café en Thaïlande afin de maintenir leurs moyens de subsistance économiques », a déclaré M. Fuadi de l’entreprise Beanspire Coffee.

Un développement qui profite aux plus pauvres

Boire un café à Chiang Mai procure au consommateur le plaisir de participer à l’enrichissement des familles les plus pauvres vivant dans les campagnes.

Pour ces personnes issues pour la plupart des minorités ethniques, Chiang Mai a toujours été la porte d’entrée principale vers le reste de la Thaïlande.

C’est sur les marchés de la ville que les communautés vendent leur production, du maïs aux fleurs exotiques, en passant par les fraises et maintenant le café.

Neet Praikeeripruksa, responsable d’une coopérative de producteurs de café à Huay Som Poi, un village de la minorité ethnique Karen perché au sommet d’une colline à 1 200 mètres d’altitude, a déclaré :

« Je remercie le café, nous avons maintenant un bon revenu, nous avons pu construire une meilleure maison, envoyer nos trois filles à l’école, et même acheter un pick-up ».

Les récoltes annuelles de la coopérative produisent environ six tonnes de café en moyenne, soit l’équivalent d’environ 700 000 tasses de café.

Dans sa jeunesse, la famille de Neet vivait dans une hutte de bambou, menant une existence précaire et cultivant de l’opium.

Dépourvu de tout moyen de transport, il fallait à l’époque quatre heures de marche pour atteindre la ville la plus proche.

Un breuvage récemment adopté par toute la population

Le café est arrivé tardivement en Thaïlande, il a d’abord été apprécié par les membres privilégiés de la famille royale au début du siècle dernier.

Ce n’est qu’un peu plus tard que les Thaïlandais ont commencé à consommer le kafae boran (café ancien) fabriqué à partir de grains robusta à forte teneur en caféine.

Ce café corsé était consommé très sucré mélangé avec du lait concentré.

Puis est arrivé le café instantané importé que les Thaïlandais surnommaient « Nescafé », sans se soucier des droits de la marque.

Le pays a vraiment commencé à adopter une culture du café à partir des années 1970.

C’est à cette époque que feu le roi Bhumipol Adulyadej a promu avec succès des réformes agraires visant à remplacer les champs d’opium du nord de la Thaïlande par des cultures vivrières commercialisables.

Une association au service de la communauté

Akha Ama

Le café Akha Ama à Chiang Mai

L’un des principaux lieutenants du roi engagé dans ces réformes s’appelait Richard Mann.

Il s’agissait d’un Américain expert en agriculture qui fait aujourd’hui figure de légende auprès des tribus qui peuplent ces régions.

Toutes lui sont redevables d’avoir introduit le café ainsi que d’autres cultures qui leur ont permis de se développer et d’améliorer leur vie de manière considérable.

« Le café permet à une famille de sortir de la pauvreté en six ans », explique, accompagné de son fils Richard, Michael Mann, qui a suivi les traces de son père.

Richard représente la troisième génération de Mann qui se consacre à l’amélioration des conditions de vie des tribus montagnardes.

En sirotant leur café issu des cultures environnantes, les Mann énumèrent les autres avantages que procurent la culture du café :

« Les familles n’ont plus besoin de quitter leur foyer pour chercher un emploi en ville.

Elles peuvent ainsi garder leurs terres et conserver leur culture.

Les plants de café arabica qu’ils cultivent maintenant, variété qui contient moins de caféine et pousse volontiers à l’abri sous les arbres, ne génère plus de déforestation comme les cultures de maïs qui ont dévasté beaucoup de forêts du nord de la Thaïlande ».

Les Mann et leurs associés ne se contentent pas d’acheter du café dans les collines pour en tirer profit.

Ils sont également très engagés auprès des communautés avec lesquelles ils travaillent.

Lee Ayu Chuepa est issu de l’une d’entre elles.

Il est aujourd’hui l’heureux propriétaire de deux cafés Akha Ama à Chiang Mai.

Il est né pauvre dans un village reculé de la minorité ethnique Akha où ses voisins cultivaient du café de mauvaise qualité destiné à être vendu à des intermédiaires peu scrupuleux.

Faisant preuve de courage et de témérité pour échapper à sa condition, il est aussi reconnu par les siens pour être la première personne de son village à obtenir un diplôme universitaire.

Aujourd’hui, c’est lui qui achète la production de café de son village natal et qui en fait commerce en la vendant dans ces deux cafés à Chiang Mai.

Outre la promotion de la culture du café dans une quarantaine de villages, le programme de développement tribal intégré (ITDB) dirigé par les Mann, a mis en œuvre plus de 300 projets dans le nord de la Thaïlande.

Dans les régions reculées habitées par les tribus Lawa, Akha, Karen, Hmong et Lahu, les Mann ont aussi contribué à la construction de dispensaires, à la mise en place de canalisation pour l’eau potable ainsi que des systèmes d’assainissement des eaux usées.

Ils ont aussi œuvré, en suivant les traces de leur glorieux aïeul, à améliorer les pratiques agricoles tout en veillant à garantir aux paysans la vente de leur production de café à des prix équitables.

Torréfié dans les locaux de l’association basée à Chiang Mai, le café est ensuite commercialisé localement sous la marque « Lanna Cafe » puis vendu dans des cafés portant le même nom.

Fortement impactées par la crise du Covid-19, les exportations de l’ITDB ont chuté drastiquement à seulement 50 tonnes en 2022 – principalement vendues à la Nouvelle-Zélande, à la Corée du Sud et aux États-Unis – alors qu’elles avaient atteint un niveau record de 150 tonnes en 2009.

M. Fuadi quant à lui, souhaiterait que la Thaïlande acquière une réputation de producteur de café comparable à celle du Costa Rica, du Panama et de l’État américain d’Hawaï.

Il estime qu’au stade de développement actuel, la production de café thaïlandaise doit viser à conquérir les marchés de la planète entière.

Il se montre cependant satisfait du travail accompli ces dernières décennies à Chiang Mai.

« Nous avons maintenant à proximité de chez nous d’excellentes plantations de café.

Nous sommes aussi un pays à revenu moyen supérieur, qui nous permet de nous offrir toutes ces machines haut de gamme et d’investir dans de superbes cafés spécialisés servant du café d’exception produit localement », explique-t-il.

« Cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde. »


Source : Gwen Robinson, Nikkei Asia

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