Alors qu’un Thaïlandais sur trois est pris dans le piège de l’endettement, les partis politiques populistes promettent des solutions qui risquent d’endetter le pays avant les élections.
Kavita Wongyakasem, 48 ans, chef d’entreprise à Bangkok, lutte quotidiennement pour maintenir son foyer à flot.
Dirigeant une entreprise qui fournit des services à une grande société énergétique, elle possède une maison à Nonthaburi, conduit une camionnette et envoie ses deux filles dans de bonnes écoles.
Mais sous la surface, elle est endettée à hauteur de 8 millions de bahts (216 638 euros) et n’a pas d’économies.
« Chaque minute, j’y pense », admet Wongyakasem, les larmes aux yeux.
Cette histoire personnelle est le reflet d’un problème plus large en Thaïlande.
Selon la Banque des règlements internationaux, le pays affiche l’un des taux d’endettement des ménages par rapport au produit intérieur brut (PIB) les plus élevés d’Asie, dépassé seulement par la Corée du Sud et Hong Kong.
La résolution de ce problème est devenue un point central des élections générales du 14 mai, tous les grands partis promettant des augmentations de salaire, des moratoires sur la dette, des prêts sans garantie et des aides.
Dans le passé, les politiques populistes ont contribué à l’augmentation de l’endettement des ménages, le gouvernement cherchant des solutions simples pour stimuler l’économie.
Par exemple, entre 2011 et 2012, l’administration de Yingluck Shinawatra a offert un rabais fiscal important aux personnes qui achetaient une voiture pour la première fois, ce qui a fait grimper en flèche le pourcentage d’endettement des ménages, qui est passé de 60,3 % au début de 2011 à 71,8 % à la fin de 2012.
Ce programme a finalement coûté au gouvernement un montant estimé à 91 milliards de bahts.
Pita Limjaroenrat, candidat au poste de Premier ministre pour le parti Move Forward, propose des révisions annuelles du salaire minimum pour s’attaquer au problème de l’inégalité qui perdure.
Pita Limjaroenrat a rapidement gagné en popularité et reconnaît « qu’une fois que vous êtes endetté, il vous est très difficile de gravir les échelons ».
En février, la Banque de Thaïlande a fait part de ses préoccupations concernant ce problème, déclarant que les ratios d’endettement des ménages devraient être ramenés de 86,9 % du PIB à la fin de 2022 à moins de 80 % afin d’atténuer les risques financiers.
Voir : La dette des ménages continue d’augmenter en Thaïlande
Les analystes avertissent que les promesses électorales extravagantes des partis politiques pourraient accroître les risques macroéconomiques posés par la dette.
Selon les estimations de l’Institut thaïlandais de recherche sur le développement (TDRI), les politiques des neuf principaux partis pourraient s’élever à 3,14 trillions de bahts, soit un peu moins que le budget annuel de 3,18 trillions de bahts.
Le fardeau de la dette affecte de nombreux Thaïlandais et peut durer toute une vie.
Les données de la banque centrale révèlent que 58 % des personnes âgées de 25 à 29 ans sont endettées, tandis qu’un quart des personnes âgées de plus de 60 ans ont des prêts en cours d’une valeur moyenne de plus de 400 000 bahts (10 832 euros).
Environ 30 % des détenteurs de cartes de crédit ou de prêts personnels ont une dette combinée de 10 à 25 fois leur revenu, soit le double des normes internationales.
La pandémie de Covid-19 a exacerbé le problème, le nombre de créances irrécouvrables ayant presque doublé pour atteindre 10 millions.
Si la pandémie n’a pas eu un impact aussi grave sur la population que dans d’autres pays, l’économie, qui dépend du tourisme, a été fortement touchée.
Achin Chunglog, président d’un groupe national de bénévoles qui aide les personnes endettées, compare la situation à une « chute brutale d’une falaise ».
Une enquête menée en avril par l’Université de la Chambre de commerce thaïlandaise (UTCC) souligne que le niveau d’endettement de 1 300 personnes interrogées gagnant jusqu’à 15 000 bahts (406 euros) par mois est le plus élevé depuis 2010.
En outre, une étude réalisée en mars a révélé que 90 % des ménages agricoles dans les zones rurales avaient des prêts en cours en raison d’un « cercle vicieux de l’endettement ».
Pour Kavita Wongyakasem, la récente lutte contre la baisse des revenus et l’augmentation des dépenses pour protéger son équipe de 20 personnes contre le virus l’a amenée à emprunter en dehors du système bancaire.
Bien qu’elle reconnaisse que les aides proposées par les partis politiques semblent attrayantes, elle pense qu’elles n’allégeront pas le fardeau des personnes lourdement endettées.
Pour des millions de familles thaïlandaises comme la sienne, la lutte continue.
Source : The Thaiger
Si vous aimez toutelathailande.fr et voulez nous aider :
Vous pouvez faire un petit don Paypal ici
Merci pour votre soutien !
Vous pouvez nous suivre sur Facebook, Twitter, Google News ou vous inscrire à notre Newletter
Trouver : Hôtel - Vol - Transport - Assurance - Voyage organisé - Rencontre
5 commentaires
La dette des ménages n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure de l’expansion économique et de la croissance du pouvoir d’achat.
Couplé avec les promesses (évidemment non tenues car irréalisables) des candidats politiques lors des années d’élections nationales, cet endettement représente actuellement près de 90 % de tout ce que la Thaïlande produit et vend, que ce soit au niveau du commerce intérieur ou international…
Cela a évidemment une répercussion notoire sur le pouvoir d’achat et la consommation intérieure des ménages et donc, sur l’économie en général, tous domaines confondus.
Depuis quelques semaines, en amont des élections de ce 14 mai, on voit que les mêmes promesses refleurissent dans tous les partis, certains allant même jusqu’à promettre une pension mensuelle minimale dès 60 ou 65 ans à tous les thaïlandais et thaïlandaises d’un montant de 5.000 baths (600 baths actuellement)….
Les responsables politiques, qu’ils soient dans le gouvernement ou dans l’opposition et ceux qui se présentent à une (ré) élection pour les 4 ans à venir savent que cette promesse ne peut en aucun cas être tenue… Financièrement impossible à mettre en place !!!
C’est du côté du législateur qu’il faut se tourner pour qu’une série de lois et de dispositions soient prises pour que les banques ne puissent pas prêter de l’argent au-delà d’un certain seuil de remboursement, selon les revenus, afin de garantir aux ménages un minimum de ressources garanties « intouchables » pour les dépenses nécessaires à leur survie (nourriture et boissons, déplacements, scolarité, accès à l’électricité et aux médias).
Dans cette perspective, ne pas oublier d’interdire purement et simplement les prêts entre particuliers, hors des circuits bancaires, prêts qui sont effectués à des taux usuriers trop souvent utilisés quand les banques refusent un prêt pour des raisons de non-solvabilité.
De nombreux ménages ont tout perdu dans ce genre de démarches… maison, voiture, terrains !
Mais apparemment, aucun candidat politique ne semble soucieux d’aller dans cette voie de protection du particulier emprunteur face à des usuriers sans scrupules.
Sans ces limitations d’octroi d’emprunt basés sur les revenus des personnes, et une lutte sans merci contre les usuriers, le problème général de l’endettement mortel des ménages (de nombreux thailandais finissent par se suicider …) ne trouvera pas de solution à long terme.
L’exemple de la Grèce, qui il y a 12 ans, était au bord de la faillite d’Etat, est exemplaire : ce n’est qu’au prix d’économies drastiques, de réduction des dépenses des ménages, de gel des prix, de mesures économiques dures et contraignantes que le pays a pu, au sortir de la crise Covid, quitter lentement la zone rouge de la Communauté Européenne…
Cela a pris 11 longues années en tenant compte du fait que la Grèce a pu compter sur des fonds d’aide exceptionnels de l’Europe de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros !
La Thaïlande ne pourra, elle, dans un scénario identique ne compter sur aucune aide à fonds perdus de ce genre… elle devra elle-même vider ses caisses et ses réserves de devises et d’or et consentir à des prêts d’Etat auprès de banques internationales américaines, européennes ou chinoises …
Ce n’est pas à court ou moyen terme que l’endettement des ménages trouvera une solution durable, et certainement pas dans le délai constitutionnel de 4 ans que durera le pouvoir législatif du futur gouvernement. Le ver est dans la pomme et il s’engraisse !
Il faut faire de la dévaluation compétitive avec une inflation à deux chiffres.
Stopper les nouveaux emprunts non-productifs.
Ça fait très mal, mais fatalement les emprunts ne valent plus rien rapidement.
Je ne suis pas sure de la comparaison avec la Grèce…
Dans ce cas, c’était l’état qui était surendetté.
Ici, ce sont les ménages qui le sont…
Les fonctionnaires (et ils sont nombreux) continueront à toucher leurs salaires et les emprunts fait par l’état continueront à être remboursés…
Et les plus pauvres Thaïlandais continueront à vivre comme ils l’ont toujours fait… de système D et d’acceptation de leur sort, puisque c’est leur Karma…
Tout à fait Luc.
La Thaïlande fait « encore » partie des pays libres des banquiers internationaux, ils n’ont pas de dettes extérieurs énormes comme les USA ou la plupart des pays européens.
Mais cela pourrait changer si la mafia Shinawatra arrive au pouvoir.
Comme le but des agents US est d’endetter leur pays pour le rendre dépendant de ces banquiers internationaux qui peuvent ensuite en prendre le contrôle total.
Comme la France, aux mains entre autres de Blackrock.
Bonjour Luc… Oui, en effet, on ne peut pas comparer la situation de la Thaïlande avec celle de la Grèce dans les années 2.000.
Je voulais juste faire un parallèle afin d’insister sur le fait que ce genre de crise financière prend du temps à se résorber, et comme le dit Alfred, ce n’est pas l’Etat thaïlandais lui-même qui est surendetté, mais bien ses citoyens.
Cela a un impact énorme sur le pouvoir d’achat et les dépenses des ménages, et le spectre d’une stagnation, voir d’une diminution du niveau de vie et de la consommation intérieure s’en trouve altérée…
C’est un cercle vicieux et l’Etat thaïlandais ne semble pas décidé à prendre le taureau par les cornes et à légiférer en la matière pour changer les habitudes des citoyens englués dans un système très libéral de prêts personnels avec des taux usuriers qui atteignent parfois les 30 % d’intérêts par an, ce qui devient impossible à rembourser !
Mais ils tombent dans le piège par ignorance et crédulité.
Et ce sont les plus pauvres qui sont étranglés à la gorge en premier !