Certains bouddhistes thaïlandais, impliqués dans un événement tragique, décident de devenir moine pour se racheter devant la société.
Ce qui était censé être un exercice d’incendie informatif dans une école thaïlandaise le vendredi 23 juin a tourné au drame lorsqu’un extincteur a explosé.
L’explosion a tué un élève et en a blessé une dizaine d’autres à l’école Rachawinit de Bangkok.
Alors que l’accident a suscité des inquiétudes quant à la sécurité des extincteurs utilisés dans les salles de classe et que d’autres demandent des comptes pour la mort de l’élève, certaines personnes au cœur de la tragédie se rachètent d’une manière typiquement thaïlandaise :
En devenant moines bouddhistes pendant un certain temps.
Lors des funérailles du jeune homme de 18 ans, mardi, on a vu quatre pompiers impliqués dans l’exercice d’incendie, le crâne rasé et vêtus d’une robe safran, s’agenouiller sur le sol, les paumes des mains jointes.
Le bidon de dioxyde de carbone avait été placé sous un soleil brûlant lorsqu’il a explosé et que des morceaux de métal ont frappé la victime, a déclaré la police.
Trois responsables de l’exercice d’incendie doivent répondre d’accusations de négligence, ont rapporté les médias locaux.
L’entrée dans l’ordre des moines peut sembler une façon originale de s’amender, mais cette pratique est devenue courante en Thaïlande, en particulier pour les personnes qui ont causé du tort de manière publique.
Pour les bouddhistes, devenir moine est le meilleur moyen d’exprimer sa sincérité et de présenter ses excuses.
Mais certains craignent que ces ordinations réflexes ne soient de plus en plus utilisées comme une panacée contre les mauvais comportements, entachant encore davantage la réputation du bouddhisme, déjà en déclin après des années de scandales.
La cérémonie de mardi (23 juin), connue sous le nom de buat na fai, ou « ordination avant le bûcher », était une façon pour les pompiers de montrer leurs regrets pour l’accident qui a tué l’étudiant à Bangkok.
Deux camarades de classe du jeune homme ont également pris part à la cérémonie religieuse lors des funérailles.
Alors que ce rituel est traditionnellement réservé aux parents de sang du défunt, il est parfois étendu à ceux qui ne sont pas membres de la famille, a expliqué Katewadee Kulabkaew, spécialiste du bouddhisme thaïlandais, au journal Time.
« Dans la pratique, les monastères thaïlandais autorisent n’importe qui à pratiquer le buat na fai pendant quelques jours, une semaine ou quelques mois, à condition que la famille du défunt soit d’accord », a-t-elle expliqué.
Les obstacles à l’entrée et à la sortie du monastère sont peu nombreux, et beaucoup de Thaïlandais choisissent d’être ordonnés moines pour diverses raisons, mais généralement pour « faire du mérite », une pratique bouddhiste qui consiste à accumuler du bon karma.
« L’enseignement bouddhiste traditionnel dit que l’ordination est le plus grand mérite (qui peut être transféré aux morts dans l’au-delà), mais qu’elle ne peut pas absoudre les péchés d’une personne.
Par conséquent, l’ordination funéraire est en fait un acte de compensation plutôt que de rédemption », a expliqué Mme Katewadee.
« Afin de montrer à la société que vous êtes extrêmement désolé, attentionné ou profondément reconnaissant envers le défunt, vous faites de votre mieux en faisant le plus grand mérite pour lui. »
Mais le fait d’être ordonné ne s’accompagne pas automatiquement du pardon du public.
L’année dernière, lors d’un accident de la route qui a suscité l’indignation nationale, un jeune policier a heurté et tué une jeune femme médecin alors qu’il roulait à vive allure sur sa moto.

Le docteur Waraluck Supavatjariyakul, 33 ans et la moto du policier après l’accident mortel.
Voir : Pourquoi les routes de Thaïlande sont parmi les plus meurtrières du monde ?
Quelques jours après l’accident, le jeune policier et son père sont devenus moines pour rendre hommage à la victime, mais cette décision n’a pas empêché la colère de l’opinion publique de monter en flèche.
L’incident a déclenché de vives discussions sur la sécurité routière de la ville et sur les conducteurs imprudents.
Le policier de 21 ans a également été contraint de quitter le monastère au bout de trois jours seulement, après que le public eut exprimé ses craintes qu’il ne soit pas apte à devenir moine.
« De nombreux Thaïlandais sont obsédés par l’idée que l’accomplissement de mérites peut compenser leurs erreurs, comme si les crimes et l’accomplissement de mérites étaient transactionnels », a écrit un chroniqueur du Bangkok Post quelques jours après l’accident de la route mortel.
« Cette attitude fait plus de mal que de bien à la société, car elle renforce l’idée que n’importe qui, qu’il s’agisse d’un particulier, d’un fonctionnaire ou d’un homme politique, peut se débarrasser de sa dette karmique en affichant publiquement sa contrition, tout en continuant à répéter les mêmes actes illégaux ou immoraux ».
Kriangkrai Techamong, le thaïlandais qui avait volé des bijoux à ses employeurs en Arabie Saoudite en 1989 et provoqué la rocambolesque affaire du « diamant bleu », cause de nombreux meurtres, a décidé ensuite de se faire ordonner moine à vie.

Kriangkrai Techamong, lors de sa sortie de prison pour entendre sa peine. Photo : Reuters
Malgré les terribles conséquences de son acte, il n’a été condamné qu’à 3 ans de prison, et une fois libre, il est devenu moine.
Kriangkrai avait déclaré aux médias locaux que sa vie a été hantée par le vol qui a déclenché une « avalanche » de souffrance sur sa famille.
« Je suis sûr que tous mes malheurs sont le résultat d’une malédiction du diamant saoudien (bleu) que j’ai volé, alors j’ai décidé de devenir moine pour le reste de ma vie pour racheter mon mauvais karma, » a-t-il dit.
Voir : L’affaire du diamant bleu : Le vol de bijoux qui est devenu un cauchemar diplomatique
Ces dernières années, la réputation des moines a été mise à mal en Thaïlande, pays à majorité bouddhiste, où la plupart des hommes sont tenus de vivre temporairement comme moine à un moment ou à un autre de leur vie.
Voir : Une hot-line pour dénoncer les mauvais moines bouddhistes en Thaïlande
Certains criminels sont connus pour se réfugier dans la vie de moine afin de se tenir à l’écart du monde extérieur.
Par ailleurs, des rapports faisant état de moines impliqués dans des activités criminelles, allant du blanchiment d’argent au trafic de drogue et même au meurtre, ont encore érodé la confiance du public à l’égard du clergé.
Voir : Tous les moines d’un temple de Thaïlande testés positifs à la meth
Mais, cette semaine, le public semble sympathiser avec les pompiers qui sont devenus, au moins temporairement, des moines novices.
Sur les réseaux sociaux, leur ordination a été accueillie avec soutien et condoléances, beaucoup considérant l’affaire comme un accident malheureux plutôt que comme une tragédie causée par la négligence.
« Je voudrais féliciter les quatre personnes qui ont été ordonnées pour le jeune frère », a commenté un utilisateur de Facebook.
« Je souhaite que la victime repose dans un monde meilleur. »
Voir aussi :
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Source : Time
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